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| Anaïs Dujardin | Arts et Culture

Portrait de la jeune fille en feu - Film dramatique français lesbien

(Temps de lecture: 3 - 6 minutes)

Portrait de la jeune fille en feu - Film dramatique français lesbien

Bien entendu, j’avais entendu parler de ce film lors de sa sortie en 2019 et lors du festival de Cannes de cette même année. Hélas, avec moins de 300 000 entrées et faute d’un palmarès, Portrait de la jeune fille en feu n’a pas enthousiasmé les distributeurs et dans mon coin septentrional, peu de salles l’affichaient, et faire 100 km pour regarder un film… En outre, cela avait été pour moi une période difficile, et j’ai fini par l’oublier.

Jusqu’à aujourd’hui où il est entré dans le catalogue Netflix. Donc, je viens de le découvrir… Et, là… Waouh ! Portrait de la jeune en feu, est un film de Céline Sciamma dont elle a assuré l’écriture et la réalisation.

Céline Sciamma est née en 1978 et a déjà une carrière impressionnante derrière elle. Entre autres, Naissance des pieuvres (2007) et Tomboy (2011) consacrés respectivement à la découverte de la sexualité des adolescentes, en particulier lesbienne et à la transidentité des enfants. Il va sans dire que Céline Sciamma est lesbienne et militante féministe.

Sommaire

"Portrait de la jeune fille en feu" : le synopsis du film

Nous sommes en 1770 dans une académie de peinture. Marianne donne une leçon. Une de ses étudiantes l’interroge sur un de ses tableaux, Portrait de la jeune fille en feu, qui est exposé dans la salle de classe. Elle ne répond pas, mais cette interrogation lui déclenche une réminiscence :

Presqu’île de Quiberon quelques années plus tôt.

Une comtesse l’a convoquée pour exécuter le portrait de sa fille Héloïse, portrait qui va être remis à son futur mari, un noble milanais. Marianne apprend qu’Héloïse refuse véhémentement qu’on la peigne. Le précédent artiste n’a pu terminer son tableau et a démissionné. Elle propose d’exécuter ce portrait de mémoire. Pour ce faire, la mère d’Héloïse présente Marianne comme une dame de compagnie. Grâce à cette fonction, elle peut donc mémoriser les traits de son modèle. Le résultat qui s’ensuit est très réussi. Cependant, Marianne est rongée par la culpabilité de ce subterfuge. Elle propose donc à la comtesse de lui montrer son tableau à condition qu’Héloïse le voie avant. Comme il fallait s’y attendre, celle-ci semble choquée et critique violemment le portrait. Confortée par cette réaction, Marianne détruit son œuvre. Cette fois-là, c’est la comtesse qui se met en colère et congédie Marianne. À la grande surprise de ces deux femmes, Héloïse annonce qu’elle veut bien être portraiturée, à condition que ce soit par Marianne. Les séances de pose commencent alors, mais Marianne se désespère de voir Héloïse ne pas sourire. Cependant, petit à petit, les deux femmes se rapprochent. Le sourire réapparaît d’une manière complice et avec un échange de regards tendres alors que Marianne joue le dernier mouvement de Été de Vivaldi sur un clavecin. Quelque chose a changé entre les deux femmes…

Un film intimiste dans un décor grandiose

Film intimiste, car ne mettant en scène que trois personnages.

Marianne, magnifiquement incarnée par Noémie Merlant. Qu’on me pardonne ce cliché, mais Marianne est une femme au caractère bien trempé. On le voit dès les premières minutes du film alors qu’elle se rend en barque chez la comtesse. Lors d’une embardée de la chaloupe, la caisse contenant le châssis destiné au futur portrait, tombe à l’eau. Sans même y réfléchir, la jeune femme saute dans la mer pour récupérer sa précieuse cargaison. Inutile de vous dire qu’avec les vêtements du XVIIIe siècle, nager habillée relevait de la gageure pure et simple. Ses sentiments pour Héloïse sont à l’aune de cette force de caractère.

Héloïse, interprétée par la troublante Adèle Haenel, qui, pour l’anecdote, était alors la compagne de Céline Sciamma. À travers le film, Héloïse reste nimbée de mystère. On a l’impression que cette jeune femme a été coupée de la vie jusqu’à présent. Elle avouera même à Marianne qu’elle n’a jamais assisté à un concert de sa vie. Le refus de se faire faire son portrait n’est que la manifestation de celui de se marier.

À ce couple vient s’ajouter Sophie, la domestique, jouée par Luàna Bajrami, actrice française d’origine kosovare. Bien que la seule domestique de la maison, elle va très vite devenir complice des deux femmes en ayant compris le rapport qui les unit et auprès desquelles elle trouvera de l’aide pour son avortement. Son personnage est tout en nuances, « vibrante d’intensité par-delà son mutisme » selon Élisabeth Franck-Dumas dans Libération, dans un rôle à travers lequel « elle apporte au film une retenue puissante et complète le tableau de la condition féminine esquissé par Céline Sciamma » pour Rémi Guezodje et Marion Raynaud Lacroix du site Vice.

Comme une espèce d’opposition au caractère feutré qui caractérise ces trois personnages, les décors sont grandioses. Il y a tout d’abord cette beauté saisissante de la Côte sauvage et la grandiloquence mystérieuse du manoir d’Héloïse.

Le mythe d’Orphée et Eurydice en contrepoint

Bien évidemment, dès l’explosion des sentiments qui unissent Marianne et Héloïse, l’angoisse vous tenaille de savoir leur futur. Le mythe d’Orphée et Eurydice que lit un soir Marianne à Héloïse et Sophie vient alimenter cette incertitude tout comme celle de ces deux personnages mythologiques.

Naturellement, ne comptez pas sur moi pour vous dévoiler le dénouement de ce merveilleux film.

Mon avis

Eh bien, je pense que vous le connaissez d’avance ! Il est certain que désormais, il a rejoint le panthéon de mes films lesbiens.

Mon seul regret aujourd’hui, c’est d’être passée à côté il y a trois ans.

Si c’est également le cas pour vous, surtout, arrêtez tout ce que vous êtes en train de faire et précipitez-vous chez Netflix (pas de pub, mais à part le site de streaming payant de Canal+, je ne l’ai trouvé nulle part ailleurs, sans mauvais jeu de mots).

Au fait, pourquoi le titre ? Je vous le laisse découvrir…

J’ajouterai pour finir que je trouve scandaleux que ce film n’ait obtenu que la Palme queer au festival de Cannes 2019, alors que six ans plus tôt le pitoyable La Vie d’Adèle avait obtenu la palme d’or !

La bande annonce