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| Anaïs Dujardin | Arts et Culture

"Deux mamans sous le même toit" : une série lesbienne reniée comme telle par Netflix

(Temps de lecture: 4 - 8 minutes)

"Deux mamans sous le même toit" : une série lesbienne reniée comme telle par Netflix

Il y a quelques semaines, ici même, Amélie N. évoquait la propension de Netflix à annuler les séries LGTB, même si leur audience était convenable. On pourrait y ajouter également la fâcheuse manie de ne pas « taguer » celles-ci convenablement ainsi que je l’écrivais en commentaire dans le Café de l’Homoromance.

Un exemple avec la pétillante série mexicaine Deux mamans sous le même toit de Carolina Rivera. Je suis tombée tout à fait par hasard sur celle-ci, un peu « interpellée » par le titre. En regardant les catégories (mexicain ; sentimental ; série comique), j’avais été un peu déçue car l’intitulé pouvait laisser entendre autre chose. Bon, rassurez-vous, je ne suis pas « monomaniaque » et heureusement pour moi, ne me limite pas aux séries lesbiennes, heureusement car je ne regarderais pas grand-chose ! Comme on le dit trivialement, j’avais envie de me payer « une pinte de bon sang », j’ai commencé à regarder cette série. Et là, grosse surprise, en avançant dans les saisons j’ai réalisé que celle-ci était en fait une fiction qui méritait largement la classification de « lesbienne ».

Le synopsis de cette série s’inspire du film culte d’Étienne Chatiliez, La vie est un long fleuve tranquille, avec comme thème l’échange des bébés à la maternité. Pas de Le Quesnoy ou Groseille, mais deux femmes mexicaines, Ana et Mariana.

Sommaire

Ana

Elle est interprétée par Ludwika Paleta, dont l’origine polonaise explique la magnifique paire d’yeux bleus à faire fondre la banquise. Ana est une femme d’affaires d’une quarantaine d’années, pour tout dire un peu psychorigide. Enfin, pas tant que ça, puisqu’après une nuit torride avec son mari Juan Carlos, l’oubli de la pilule a les conséquences que l’on devine. Juan Carlos, lui est également un dirigeant d’entreprise. Inutile de dire donc que le couple fait partie de la haute bourgeoisie de Mexico City, avec une demeure somptueuse, une gouvernante et un chauffeur.

Nonobstant l’existence de deux enfants ainés (14 et 18 ans), Ana assume totalement sa grossesse, tant que celle-ci ne vient pas interférer dans sa vie professionnelle. C’est pourtant lors d’une visite de sa clientèle que se manifestent les premiers signes de l’accouchement.

Mariana

Paulina Goto prête vie à cette étudiante à peine sortie de l’adolescence. Elle est la fille d’une modeste employée d’un institut de beauté. Ses passions ? Les mathématiques, l’informatique, sa petite amie Elena et son petit ami Pablo. Comme Ana ce dernier laisse « un souvenir » à Mariana. Si celle-ci accepte son statut de future mère, cela a des conséquences dramatiques pour sa vie. Ainsi, elle est obligée d’abandonner ses études de mathématiques. Elle se rapproche également de Pablo.

Au même moment qu’Ana, le travail de parturiente commence.

Tout est prêt pour commencer une histoire en trois actes.

Saison 1 : de l’animosité

Tandis que Mariana se dirige sans problème vers sa maternité de quartier, malgré toute la virtuosité de Ramon, son chauffeur, Ana reste engluée dans les embouteillages lui interdisant ainsi de gagner la maternité haut-de-gamme dans laquelle elle a réservé. Pourtant, le temps presse et elle risque d’accoucher dans la voiture. Heureusement, par des chemins de traverse Ramon arrive quand même à atteindre la première maternité qu’il rencontre.

Sans doute ne serez-vous pas surprises qu’il s’agit de celle où se trouve déjà Mariana.

Comble du destin : les deux femmes se retrouvent dans la même chambre. Entre la bourgeoise et la fille du peuple, c’est tout de suite l’antipathie qui s’installe.

Ce qui ne pourrait être qu’une simple anecdote prend alors tout son sel quand on apprend que la mère de Mariana, Teresa est… la maîtresse du mari d’Ana, Juan Carlos !

Et puis, la puéricultrice qui s’occupe des deux nouvelles-nées commet l’impardonnable bêtise de retirer en même temps les deux bracelets d’identification. Pour les remettre elle n’a d’autre moyen que le fameux « Am Stram Gram » (titre de l’épisode 1) !

Funeste erreur, car quatre mois plus tard elle confesse sa faute, et le test ADN est implacable : il y a eu permutation des bébés. Une décision judiciaire vient remettre les choses à leur juste place.

Problème : dans son impartialité technocratique, la justice a oublié que les bébés avaient déjà vécu quatre mois avec leurs « fausses mères ». Très vite Ana et Mariana se rendent compte que leurs filles ne réagissent pas à leurs véritables prénoms (Valentina pour la fille de Mariana et Regina pour celle d’Ana). Mais il y a plus grave, c’est que les deux nouvelles-nées sont perturbées par le changement de mère, sans parler des problèmes d’alimentation en lait maternel. Les deux femmes, faisant alors fi de leur animosité réciproque, décident d’élever ensemble leurs bébés sous le même toit, c’est-à-dire chez Ana.

La suite que je vous laisse découvrir, c’est un ensemble de quiproquos, de coups de sang, de bouderies. En outre, viennent s’y ajouter les vies personnelles de tous les personnages des deux familles. Malgré la tension, croyez-moi qu’on rit beaucoup.

Saison 2 : de l’amitié

Malgré quelques querelles, la vie en commun continue pour Ana et Mariana. Cette saison est l’occasion de s’attarder sur les personnages « secondaires ». En particulier, Teresa, la mère de Mariana qui a fini par rompre avec Juan Carlos pour fréquenter Victor, le frère de ce dernier ! Le couple apprend très vite, et à sa grande surprise, qu’un bébé est en route.

Parallèlement à cela, Mariana, dans l’impossibilité de poursuivre ses études se lance corps et âme dans la création d’une application dédiée à… la maternité. Ana qui a donné sa démission de l’entreprise où elle travaillait décide de s’associer avec celle qui est désormais une amie pour commercialiser cette appli.

Dans le but de ne pas « spoiler » je ne vous en donne pas la raison, mais en toute fin de saison, Ana et Mariana décident de se faire passer pour… des lesbiennes. La dernière minute de l’ultime épisode de cette deuxième saison est absolument désopilant. Devant un parterre d’invités pour le lancement de l’application de Mariana, sa mère, sa tante, son petit ami du moment, Ferran, Juan Carlos, les premiers enfants d’Ana, Cécilia et Rodrigo, les deux mamans échangent un baiser torride. L’annonce est faite de leur mise en couple devant une assistance médusée.

Il est à noter que la différence de ton entre les deux héroïnes est visible dans la modification du générique de début qui a la forme d’un dessin animé. Les dernières images sont différentes de celles de la saison 1.

Saison 3 : de l’amour

Au début de cette saison, à l’occasion d’une tournée de promotion de leur site, Mariana et Ana se retrouvent dans un bled paumé au fin fond du Mexique. Ce soir-là c’est la fête du village, et les deux femmes s’imbibent largement de tequila. Quand elles regagnent l’unique chambre qu’elles ont pu trouver, c’est l’étreinte passionnée entre les deux et une nuit chaude, très chaude.

Le lendemain on se doute que la gueule de bois, à la fois de l’alcool et du sexe va refroidir l’ambiance.

Il n’en est rien. Mariana, bisexuelle assumée, considère ce qui s’est passé comme une simple péripétie ne remettant pas en cause l’amour qu’elle porte à Ferran. On devine quand même que pour Ana, la pilule de ce moment d’égarement va être difficile à passer. Nullement ! Non seulement elle ne regrette rien, mais coup de tonnerre dans sa vie, elle est tombée amoureuse de son associée ! Ce qui était un jeu entre les deux femmes devient une réalité qu’il sera difficile à gérer.

Ici aussi, vous prendrez un grand plaisir à découvrir le dénouement. La saison 3 est à la fois dramatique, romantique, mais également drôle. Grand moment de rire quand Juan Carlos annonce à son père qu’il a une maîtresse, que son frère Victor file le parfait amour avec son ancienne amante, Teresa, qu’ils attendent de la famille et que sa femme vit en couple avec Mariana, la fille de Teresa. Comment résister à ce « grand moment de solitude » du père de Juan Carlos, lui aussi, véritable parangon psychorigide de vertu.

Si vous ne connaissez pas, alors pas d’hésitation, foncez ! Beau moment garanti et vous prouverez ainsi à Netflix que vous n’êtes pas dupes de leur catégorisation des séries lesbiennes !

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