Faut-il boycotter les Jeux Olympiques par féminisme ?
En me réveillant, une semaine après la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques, l’envie soudaine d’écrire sur le sujet de controverse du moment me saisit.
Je me rappelle mes premiers jeux. J’avais quatre ans. À l’école maternelle, chaque jour, la maîtresse complétait le tableau des médailles. Combien nous en avions gagné d’or, d’argent ou de bronze. Et sans porter en moi un patriotisme exacerbé, j’aimais bien suivre l’avancée de nos athlètes au jour le jour, comme le reste de ma classe. Pour la culture, pour la beauté du sport, pour la découverte de disciplines jamais rencontrées auparavant… Suivre LES Jeux coulait de source.
Aujourd’hui, je suis la maîtresse et lorsqu’en français, j’ai proposé à mes élèves de CP le projet « Dis-moi dix mots » permettant de travailler autour de dix mots de l’olympisme, je me suis aperçue qu’aucun n’était au courant de l’arrivée prochaine des Jeux dans la capitale. Et ce, malgré le passage tonitruant de la flamme dans leur ville. Aucun n’avait de représentation de ce que sont les Jeux Olympiques. Aucun n’était « éveillé » à cette forme de culture-là.
Ce qui me permet la transition avec la seconde partie de ma question initiale. En effet, en écrivant le mot féminisme, je me suis demandé si wokisme n’aurait pas mieux fonctionné.
Le wokisme pour les nuls
N’ayant qu’une vague notion de ce qui est présenté comme la philosophie du XXIème siècle, j’ai cherché à me renseigner et voici ce que j’ai trouvé :
Traduit littéralement par « éveillé », le terme est importé des courants de pensée américains progressistes, précurseurs des mouvances anti-racistes, féministes, alliés des droits des LGBTQ+ … Ainsi, ce mot signifie que tu vivras ta vie (sans aucun souci, philosophie, hakuna-matata – non, ça c’est moi qui n’ai pu m’empêcher de le chanter en lisant) en ouvrant les yeux sur les problématiques sociales et raciales susmentionnées, en gardant à l’esprit l’importance d’une certaine intersectionnalité.
À l’origine, le « wokisme » dénonçait le racisme systémique et les violences policières. Aujourd’hui, il englobe davantage de problématiques afin de « rester éveillé » sur les discriminations subies par les minorités de manière générale : les personnes non-blanches, les personnes LGBTQIA+, les femmes, les immigrés... L’environnementalisme en vient même jusqu’à mêler ses frontières à celles du wokisme.
Et le sport dans tout ça ?
Depuis le 26 juillet et l’ouverture des Jeux de la XXXIIIᵉ olympiade de l'ère moderne, la compétition (et même hors des stades, pistes ou tatamis) ne cesse de faire couler de l’encre dans le monde entier. La presse russe, notamment, glose sur la qualité d’eau du fleuve de la capitale, et sur une prétendue mauvaise ambiance à Paris. Or, la réalité est tout autre et les délégations étrangères sont ravies de découvrir le patrimoine et la gastronomie français. À tel point qu’une nageuse brésilienne a fait passer l’urgence d’une visite de la Tour Eiffel avant son maintien dans sa délégation.
Si je suis plutôt du genre à changer de radio lorsque j’entends une chanson d’Aya Nakamura (sur le principe, en réalité elle ne passe pas sur les fréquences que j’écoute), je ne peux que me réjouir de sa présence lors de la cérémonie, pour ceux et celles qui, grâce à elle, se sont sentis représentés. Si je n’ai pas non plus adoré la scène (et non la Cène) avec Philippe Katerine, je ne peux que m’indigner contre la vague d’esprits bornés s’étant élevés contre le show.
Une fois n’est pas coutume, je vais citer les mots d’Emmanuel Macron : « Les Français ont été très fiers de cette cérémonie (…) La France a donné le visage de ce qu’elle est (…) Elle a montré son audace et après elle l’a fait avec la liberté artistique qui convient ». Le cyber-harcèlement dont est victime Thomas Jolly, le directeur artistique de la cérémonie n’est-il pas un miroir d’une société qui se prétend ouverte mais qui condamne de plus en plus vite un bout de cuisse dépassant du jupon d’une morale rétrograde ?
La cérémonie d’ouverture, pour choquants qu’aient pu être certains tableaux aux yeux de quelques télespectateurs, représente à l’évidence l’aptitude à l’irrévérence de notre France par ailleurs laïque. Si d’aucuns ont pu être heurtés dans leur foi, nous sommes pour notre part choquées. Ne serait-il plus possible de rire de tout ? Coluche et Desproges seraient-ils obligés aujourd’hui de sortir avec une armure ? Ce d’autant qu’un auditoire prompt à critiquer a tendance à ne retenir d’un spectacle grandiose qu’interprétations erronées issues de son prisme manichéen.
Voilà qu’après plus de six-cents mots, nous n’avons toujours pas abordé l’aspect sportif de ces jeux.
Une pluie de désinformations
Nous étions là, dans les tribunes de l’Arena, au Champ de Mars ou à Versailles, tantôt sous le soleil brûlant, tantôt sous la pluie que certains imputent à Poutine ou au retour d’Hollande dans le paysage politique français. Et comme Nelson Montfort (qui couvre l’événement depuis trois décennies), nous ne pouvons que constater la bonne humeur qui règne sur et autour des épreuves. Chaque supporter arbore fièrement qui un drapeau, qui un tee-shirt, qui des couleurs sur le visage pour soutenir son équipe. Pour autant, les échanges sont conviviaux et spontanés entre les nations. Le franglais ou l’allemand sorti de la naphtaline sont devenus langues officielles des JO. Et au-delà du Plus vite, plus haut, plus fort, ensemble, la fraternité est devenue, pour plus d’un mois (n’oublions pas les Jeux Paralympiques), la nouvelle devise de la ville de Lumière.
Pourtant, sur les réseaux, chaque jour, des publications aux allures de propagande déferlent. Anti-ceci, anti-cela et leurs contraires. Deux boxeuses sont accusées d’être des hommes. On reproche à d’autres athlètes d’être trop blancs ou du sexe fort (je joue la provocation en l’écrivant ainsi). Pourtant, pour la première fois dans l’histoire, nous pouvons nous réjouir, lors de cette édition, 50% des sportifs sont des sportives. Pour ce qui est des athlètes prétendument transgenres ou intersexes, qui peut assurer avoir eu accès à leur caryotype ? Sans cela, il est inadmissible de se décréter soudain expert d’un sujet dont, à moins de faire partie de l’International Boxing Association (IBA dont nous sommes allées lire les rapports, et nous n’avons pu avoir accès aux informations médicales et donc confidentielles) ou du Comité International Olympique (CIO), nous ne savons rien.
Parmi les publications qui nous ont interpelées, nous avons vu passer des accusations de viols. Il s’agit en réalité d’un baiser forcé du père d’une sportive sur une bénévole présente dans les tribunes. On ne peut qu’espérer que ce dernier sera poursuivi comme l’a été l’ancien président de la Fédération espagnole de football, poursuivi pour agression sexuelle et délit de coercition après avoir embrassé par surprise l’une des joueuses de la Roja après son sacre en Coupe du monde. Si ce type de comportement montre que, pour quelques individus, le chemin reste long, il ne s’agit pas de stigmatiser une compétition qui n’est pas responsable de la survivance de comportements néandertaliens.
Il est à notre sens dommageable d’appeler à ne plus soutenir certains athlètes voire à carrément boycotter une compétition sportive, véhicule de valeurs humaines telles la tolérance, le respect, le dépassement de soi, la persévérance, l’acceptation de l’échec, et j’en passe, en se camouflant derrière des combats créés de toute pièce par jalousie, ignorance ou désœuvrement. Les mouvances qui veulent lutter à toute pompe contre l’homme blanc hétérosexuel ne correspondent pas au féminisme qui nous ressemble.
Nous conclurons cet article tout en tempérance. Bien évidemment, les Jeux Olympiques modernes ne sont pas qu’un havre de paix et de tolérance (preuve en est l’exclusion de l’adversaire de Teddy Riner en demi-finale en raison d’un comportement très éloigné des valeurs du judo, du sport en général). Bien sûr, ils ont été créés par Pierre de Coubertin pour qui le mot féminisme ne représentait probablement pas grand-chose, mais est-il pertinent de juger une personne née en 1863 à l’aune de la société d’aujourd’hui ? Rappelons-nous plutôt de femmes comme Alice Milliat ou Betty Robinson qui ont œuvré pour l’égalité dans le sport. La première, cofondatrice et présidente de la Fédération des sociétés féminines sportives de France, aussi reconnue comme l'une des plus grandes militantes du combat pour la reconnaissance du sport féminin au niveau international. La seconde, marquant l’athlétisme féminin en devenant la première médaillée olympique sur 100 mètres.
Aujourd’hui, les Suffragettes auraient de quoi être fières en allant encourager l’équipe féminine de France de beach-volley, qui, par souci d’équité, a choisi de vêtir le short plutôt que le traditionnel bikini.
Reconnaissons que le sport est l’un des rares domaines qui réussit à fédérer l’humanité quelle que soit la langue, la culture, le sexe, la religion ou l’orientation sexuelle, alors ne crachons pas dessus.
Vive les Jeux Olympiques de Paris 2024 !
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Alexia Damyl & Liv Land
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