Série lesbienne bit-lit : "First Kill" ou first flop ?
First Kill est la série lesbienne Netflix 2022 qui fait couler beaucoup d’encre ces derniers temps. Le jour de sa sortie, elle s’est placée directement en Top 3 en Belgique du contenu le plus visionné. J’ai moi-même été ravie de la voir enfin disponible dans le catalogue, avide de découvrir cette histoire plus qu’ambitieuse : un amour homosexuel entre deux jeunes filles, que tout oppose. En effet, l’une d’elles, la blonde un peu naïve, est une vampire Héritière, issue d’une noble lignée remontant jusqu’à Ève. L’autre, une grande brune agressive et qui fait toujours la tronche, est issue, pour sa part, d’une famille de chasseurs de monstres appartenant à la Guilde, une organisation secrète.
Sommaire
Attention, la critique qui va suivre contient des spoilers de la série. Ne lisez pas si vous ne voulez pas que les principaux événements de l'intrigue vous soient révélés.
Mon avis
Le premier épisode est assez rébarbatif en soi. J’ai failli arrêter après ce visionnage, tant la musique était surdosée. De manière générale dans la série, pas un plan d’une scène d’action ou d’émotion ne passe sans être entrecoupé par des chansons plus ou moins dans le thème de l’ambiance. Au final, on a plus l’impression de regarder un long clip musical qu’autre chose. La musique cherche certainement à combler le vide sidéral des dialogues, et à part vous faire sortir d’une scène ou vous aider à compléter votre playlist Spotify, elle n’a aucune visée dramatique.
L’histoire s’ouvre en nous présentant Juliette la vampirette. On comprend tout de suite le lien avec son prénom, lié à la tragique histoire d’amour de Roméo et Juliette. Ici, pas de Roméo, mais une Calliope, toujours en lien avec Shakespeare puisque la Calliope mythologique n’est autre que la muse de la poésie. La famille de chasseurs, les Burns, a d’ailleurs un fort penchant pour la culture de la Grèce antique. Le deuxième nom de Calliope est Antigone, ses deux frères s’appellent Thésée et Appolon, sa mère Talia (une autre muse), et enfin son père... Jack. Oui bon, pour lui, les scénaristes avaient moins d’idées.
Je disais donc, l’histoire s’ouvre avec Juliette, qui fait de terribles cauchemars mêlant ketchup sanguinolent et vision de sa dulcinée, qui ne connait d’ailleurs pas encore son existence. Pendant qu’elle s’habille pour aller à l’école, Juju nous explique en voix off à quel point elle se sent différente des autres, pas à sa place, parce que les autres, eux, savent comme s’habiller le matin, mais qu’elle, elle doit vider sa penderie de luxe pendant une heure pour trouver une tenue qui corresponde à qui elle est réellement. Profond. La musique arrive de nouveau pour casser les oreilles jusqu’au plan du petit déjeuner où on rencontre ses parents, visiblement inquiets. Et pour cause, leur petite fille est complètement accro aux petites gélules rouges que lui donne sa maman, et elle a une bonne descente. Le mystère de ces petits flacons nous titille vraiment l’esprit, on se demande bien ce que cela pourrait être... Des mini-shots de sangria ?
La conversation qui s’en suit nous offre toute l’étendue du jeu d’actrice de la vampirette :
Papa : Bien dormi ?
Elle, de manière dramatique : Bien sûr...
Papa : Tu te sens bien ?
Elle, le regard fuyant et le sourire forcé : Tout va bien...
Même ses géniteurs ne sont apparemment pas convaincus par son acting digne d’un film produit par Disney Channel, et la regardent, perplexes. Ils s’apprêtent à avoir une sérieuse discussion avec leur vampirette chérie, quand tout à coup, un autre personne arrive dans le champ à la manière des sitcoms américains : Elinor, une grande blonde sexy au corps de rêve, lunettes de soleil et robe de gala, qui a passé la nuit dehors, l’assume totalement, et n’a pas l’air de faire grand cas de l’autorité parentale, en bref, le modèle de grande sœur parfaite dont rêve toutes les jeunes filles, surtout Juliette.
Une scène de la vie quotidienne qui relève tout à fait de la fiction : des parents qui s’aiment encore et qui laissent leur enfant sortir toute la nuit dans des bars.
La conversation familiale est coupée par des bruits de klaxon incessants. C’est Ben, le meilleur ami de Juliette, qui vient la chercher pour l’amener au lycée à bord de son... 4X4 ? Ah, oui, dans cette série, tous les ados conduisent (ou « empruntent ») des caisses plus grandes que mon studio. Les deux potes chantent le cœur léger dans leur voiture tout terrain, et nous sommes seulement à 5 minutes de visionnage qu’il y a déjà eu quoi ? 3-4 chansons différentes ?
Accélérons un peu. Juju a des migraines, on comprend qu’elle a besoin de boire du sang et qu’en attendant, elle se shoote à ses pilules magiques. Ben, lui, ne semble pas s’inquiéter plus que ça pour Juliette, malgré la tronche de dix pieds de long qu’elle fait tout en transpirant à grosses gouttes. Les dialogues sont mous, les deux amis n’ont aucune alchimie entre eux, mais comme Ben est gay, ça fait automatiquement de lui le meilleur ami idéal. Au réfectoire, la vampirette croise le regard de sa mystérieuse amoureuse. Mais Calliope (qui est mystérieuse rappelons-le), au lieu de manger, lit un livre seule à sa table, comme se doivent de le faire tous les personnages un peu mystérieux de fiction.
En ce qui concerne Calliope : on apprend qu’elle n’est arrivée que depuis peu en ville, qu’elle partage déjà quelques cours avec Juliette, même si plus tard, on la verra apparaître pour la première fois devant sa classe où elle est présentée par son prof d’anglais. Ne me demandez pas d’explications.
Leur rencontre n’est pas très romantique : Ben, entremetteur à ses heures perdues, pousse « par accident » sa meilleure amie qui bouscule la ténébreuse Calliope. On se demande alors pourquoi il ne l’a pas fait plus tôt, puisque Juliette en pinçait pour elle depuis un moment. Enfin bref, on a une scène qui rappelle vaguement une autre des Chroniques de Bridgerton :
Amoureux.se n°1 : Oh non, attention ! Une abeille !
Amoureux.se n°2 : Malheur !
Amoureux.se n°1 : Voilà, je l’ai prise et elle s’est envolée. Tu ne risques plus rien.
Amoureux.se n°2 : Qu... Comment ? Ve... Veux-tu m’épouser immédiatement ?!
Les deux nénettes se regardent donc avec autant d’émotion que lorsque je parle à mon chat et que j’attends qu’il me réponde en français. Le courant passe, du moins on le suppose grâce à la musique et aux petits bégaiements amoureux, mais leur visage ne communique rien. Seule Juliette a l’air autant accroc à son béguin qu’elle l’est à ses gélules rouges, qui tombent malencontreusement devant sa chérie chasseuse de monstres, oups !
Je vais la faire courte : les scènes entre les deux filles sont assez mal jouées, à titre personnelle je trouve qu’il n’y n’a que peu de courant entre les deux protagonistes. On accroche pas, c’est mou-mou, c’est gnian-gnian, et ce coup de foudre semble tellement surréaliste tant il est mal amené qu’on a l’impression que leur relation a été forcée. Au final, l’histoire ne se centre pas tellement sur leur amour interdit, et c’est bien un des rares points positifs de First Kill.
Ce qui m’a vraiment accroché, c’est le background de l’univers, cette histoire de vampires Héritiers qui ne souffrent ni du soleil ni de pieux dans le cœur. Leur système sociétal repose sur un matriarcat : la gardienne de la Malkia dirige les vampires et impose son autorité sur laquelle repose l’union de leur espèce. Elle garde l’Émeraude Malkia, un serpent mythique remontant probablement à l’Éden, dont elle tire tout son pouvoir et son respect. Du côté des chasseurs, on est vite intrigués par ce qui se cache réellement derrière la Guilde : comment sont-ils formés ? Que font-ils dans l’ombre ? L’existence des monstres semble être admise dans ce monde alternatif, mais personne ne sait pourtant que les Burns les chassent. Tous les personnages secondaires ont également leur importance ; les ex, les frères, les mamans des copains, bref, tous ont leur petite histoire voire leurs secrets. Rien n’est tout blanc ou tout noir et chacun joue un rôle bien précis dans l’intrigue.
Les deux réelles héroïnes de la série : maman vampire et maman chasseuse.
En tant que lesbienne, j’ai quand même bien vite laissé tomber les deux amoureuses transies pour m’attarder davantage du côté des mamans ou de la grande sœur Elinor qui relèvent un peu le niveau côté acting. Comme moi, vous succomberez sous le charme de l’insaisissable Talia, la sulfureuse Elinor, ou encore, de l’opportuniste Margot.
Conclusion
Concluons cette chronique dédiée à la série lesbienne en quelques points.
Qu’est-ce que "First Kill" ? Beaucoup de niaiseries, quelques incohérences, des scènes d’action mal faites (va falloir être plus convaincant à la saison 2, ne serait-ce que pour donner un coup de pied...), des dialogues pourris, et des effets spéciaux d’un autre siècle. Pourtant, la série a quand même du potentiel. Déjà, parce qu’elle fait de minorités ses personnages principaux : des personnes de couleur, des femmes, des queers... et qu’elle touchera certainement un public plus jeune, qui va pouvoir admirer pour la première fois sur le devant de la scène des modèles qui lui ressemblent... Enfin, en omettant juste le côté ados milliardaires qui se fringuent chez Prada.
Du reste, il demeure de nombreux déjà-vu scénaristiques. Entre la mention de Lilith qui corrompt Ève comme dans tout bon détournement de la religion, le serpent symbole du divin féminin, le coup du « je t’aime » « moi non plus », les trahisons, les changements de camp, etc. Rien de bien méchant, ça fait le taf pour un teen show. Il y a aussi pas mal de quelques références bibliques : la Genèse, les déclarations d’amour style « j’irai où tu iras » (Ruth 1,16), le fils rejeté par sa famille et autres sacrifices symboliques.
Les fans du genre resteront sur leur faim. Quand d’autres séries comme Vampire Diaries, Buffy et Supernatural ont pu faire beaucoup mieux avec également peu de budget, First Kill rate son coup. Les plus jeunes se laisseront sûrement convaincre par le titre et les extraits aguicheurs, mais pour ma part, la série se regarde aussi vite qu’elle s’oublie. Elle aura eu néanmoins le mérite de mettre en avant un couple de lesbiennes tout en proposant un univers vampirique intriguant.
Pour celles qui ont besoin de motivation pour regarder la série, dites-vous qu’il y a Elinor...
Comment ça, je suis « beauf » ?
La bande annonce en français
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