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Les sorcières des temps modernes

(Temps de lecture: 13 - 25 minutes)
Les sorcières des temps modernes
Photo tirée de la série "Salem"

Les sorcières modernes, qui sont-elles ? Que prônent-elles ? Qui sont ces visages connus ou inconnus contre lesquels se dressent des procès publics destinés à tuer toute notoriété, vie sociale, vie professionnelle ou sentimentale ? Des noms vous viennent-ils à l'esprit ? Ces sorcières modernes sont-elles vraiment coupables des crimes et péchés dont on les accuse, ou sont-elles choisies comme bouc émissaire pour calmer les cris et lamentations des minorités enragées qui disent s'exprimer au nom des majorités pour réclamer justice ?

Découvrez le sommaire de l'article ci-dessous :

Mise en garde

Attention, certains propos de cet article peuvent déranger ou heurter les diverses sensibilités des personnes hétérosexuelles ou LGBTQI2SAA+, notamment les personnes victimes de propos ou d'opinions qui ne sont pas en accord avec leurs principes et valeurs.

Introduction

Mon article du jour ne se porte pas vraiment sur la communauté lesbienne au sens large, il est davantage une réflexion sur l'individu, les individus et leurs différences, qui coexistent dans une société en changement permanent et dans laquelle tous les individus revendiquent leur place.

Nos différences sont sources de conflits. Qu'on soit L, G, B, T, +, hétérosexuel, handicapé, femmes, hommes, racisés, malades, minces, gros, jeunes, vieux, vegans, avec ou sans emploi, avec ou sans enfant, quand nous revendiquons ce que nous sommes à travers nos identités multiples, notre façon d'être et de vivre, il arrive nécessairement un instant où nous dérangeons "l'ego" de quelqu'un, ou il arrive aussi que notre propre "ego" soit dérangé. Nous pourrions dire que nous sommes toutes et tous la "sorcière" de quelqu'un - N'oublions pas que le procès de Salem a eu pour conséquence l'exécution de quatorze femmes et de six hommes.

J'ai lu il y a quelques jours, une leçon puissante qu'un professeur américain a enseignée à ses élèves. Cette leçon reflète le système de jugement dans lequel nous évoluons aujourd'hui. Ce qui nourrit ce système ? Nous... Vous, moi, tous les individus connectés aux géants tentaculaires : les réseaux sociaux.

Facebook, Twitter, Instagram, des outils géniaux, mais qui peuvent faire d'importants dégâts si on ose s'exprimer sur des sujets controversés en public sur lesquels tout le monde a une opinion plus ou moins ferme.

Combien y a-t-il de sorcières ?

— Je vais passer dans les rangées et murmurer à chacun de vous si vous êtes une sorcière, un sorcier, ou une personne normale... Votre objectif sera de vous réunir en groupe sans aucune sorcière et aucun sorcier. Quand ce sera terminé, chaque groupe ayant accueilli une sorcière ou un sorcier sera pénalisé.

Les élèves commencent à discuter pour former leur groupe. Ils s'interrogent, se suspectent et plusieurs petits groupes se forment.

— Okay, dit le professeur après dix minutes, tout le monde est dans son groupe ?

— Oui monsieur... disent les élèves en chœur.

— Il est temps de voir où se cachent les sorcières et les sorciers ! Sorcières et sorciers, levez la main.

Aucun élève ne lève la main. Tous se regardent, confus, et un élève accuse le professeur :

— Vous vous êtes moqué de nous !

— Vraiment ? réplique le professeur. Alors, répondez à cette question : y avaient-ils vraiment des sorcières et des sorciers à Salem, ou les habitants s'étaient-ils convaincus qu'il y en avait ?

Cette leçon du professeur américain (dont le nom n'est pas cité dans le post que j'ai lu) nous démontre combien il est simple de diviser une communauté ou plus simplement encore, le genre humain. Par sa nature complexe, l'humain écoute, retient (et généralement déforme) tout ce qu'il entend. Il analyse, prend parti, et juge. Pour nous, communs des mortels, juger est un réflexe naturel, c'est avoir une opinion. Mal juger ou bien juger est une question subjective à chaque individu. Juger, c'est donc choisir de soutenir une idée plutôt qu'une autre, et à l'ère des idéologies, avoir une opinion, c'est prendre parti et donc "soutenir" ou "s'opposer".

Cet exercice du professeur inconnu est aussi simple qu'efficace et reflète ce qui mène aujourd'hui le monde dans lequel nous vivons : nos idées et nos croyances.

Que celles-ci se vérifient ou non en des vérités factuelles ou scientifiques ne change rien. Les croyances prennent de plus en plus le pas sur les faits, sur la science, sur des vérités, au nom des sensibilités et hypersensibilités de chaque individu qui revendiquent leur droit de croire et par ce biais, d'exister à travers leurs croyances.

Qu'est-ce qu'une croyance ?

La définition du Larousse est très simple :

  • 1. Fait de croire à l'existence de quelqu'un ou de quelque chose, à la vérité d'une doctrine, d'une thèse. (Ex. La croyance en Dieu, aux fantômes, aux OVNIS, au Père Noël.)
  • 2. Ce qu'on croit ; opinion professée en matière religieuse, philosophique, politique : Respecter toutes les croyances.

Les sorcières comme bouc émissaire ?

Pour vous mettre dans le contexte du procès des Sorcières de Salem qui s'est déroulé entre 1682 et 1693, la petite ville du Massachusetts était scindée en deux. D'un côté, un bourg aisé, de l'autre, un village agricole ; les uns se disputant régulièrement avec les autres au sujet les mêmes problèmes qui existent depuis que le monde est monde : les ressources, la politique, la religion. Saupoudrez le tout de légendes effrayantes, de quelques événements supposément paranormaux défiant toute connaissance ou toute logique de l'époque, d'interrogatoires violents visant à dénoncer les coupables de possession, et vous obtenez de pauvres victimes qui seront brûlées ou pendues pour sorcellerie...  (Voir l'article du National Geographic),

Quelle différence avec les conflits du 21e siècle ? Vous connaissez la réponse quand chaque jour, vous faites un état des lieux des événements dramatiques qui touchent ce monde : Il n'y a aucune différence.

Bien sûr, si on supprime ces histoires de possession, les conflits sont les mêmes, ainsi que les objectifs : accéder à une vie moins difficile, se faire accepter avec ses croyances, acquérir plus de richesses, obtenir un meilleur emploi, une meilleure situation sociale.. par extension, obtenir une meilleure position professionnelle, vivre dans une plus grande maison, avoir une plus belle voiture etc... pour devenir plus heureuse ou plus heureux avec le besoin de se faire reconnaître en tant qu'individu avec ses sensibilités, valeurs, croyances... Et surtout, avoir "plus que" ou "autant que"... puisque dès l'instant où il y a une différence d'accès au besoin, il y a injustice et donc frustration, colère, jalousie, etc... rien de nouveau sous le soleil, n'est-ce pas ?

Nos différences comme source de conflit

Malheureusement, nous vivons dans une société dans laquelle "accéder à une vie moins difficile" rime avec "déchoir ceux qui ne sont pas dignes d'une vie agréable" en raison de leurs "privilèges". En bref, au nom des inégalités, des injustices, des oppressions, ceux qui se trouvent heurtés, blessés, mis à l'écart, ou qui n'ont pas de position sociale, sentimentale, professionnelle, agréable, exigent d'être considérés. C'est louable. C'est humain. C'est pourtant impossible que chaque être vivant soit sur le même pied d'égalité que tout un chacun en considérant la croissance exponentielle de la population humaine. Puis, dès notre naissance, nous n'avons pas le choix de naître beaux, laids, riches, en bonne santé, handicapés, de voir le jour dans un pays pauvre ou développé, avec ou sans cuillère dorée dans la bouche...

C'est une triste vérité. La vie est injuste. C'est la même chose pour les animaux qui naissent lion ou biche ; baleine ou plancton. Nous ne naissons pas toutes et tous libres et égaux face à la nature, et la nature est cruelle. Les petits se font manger par les gros, gros qui, au final, se font manger par les petits ! C'est une vérité universelle, quelles que soient les civilisations et les époques, et même dans l'acte de mourir, nous ne sommes pas égaux, notamment sur la façon dont notre vie prendra fin. Se terminera-t-elle dans notre lit au chaud, en soins intensifs dans une chambre d'hôpital ou sous les gravats d'une bombe tombée en Ukraine ? Tout est injuste, de notre naissance, jusqu'à notre dernier soupir.

Si les accusations en sorcellerie ne tiennent plus comme "moyen" de faire chuter des gens (honnêtes ou non) de leur position sociale ou professionnelle, les intentions et objectifs de ceux qui pratiquent ce type de dénonciations publiques sont identiques : le besoin de changement, donc le gain, qu'il soit monétaire, social ou parfois psychologique...

On oublie pourtant que chaque individu a ses souffrances.

Une échelle de la souffrance a d'ailleurs été évoquée à de nombreuses reprises, selon que vous soyez un homme, une femme, une personne handicapée, racisée, LGBT+, malade, etc... plus vous cumulez de "particularités" et de différences avec la majorité dominante (donc les hommes blancs, hétéros, cis-genre, sans handicap, nés dans un pays développé), plus vous serez victime de la haine des autres majorités dominantes.

En quelques exemples :

  • une femme est victime des hommes donc de misogynie,
  • Une femme racisée est victime des blancs et des hommes, donc de misogynie et de racisme,
  • Une femme racisée, lesbienne, est victime de misogynie, de racisme et d'homophobie,
  • Une femme racisée, lesbienne, trans, est victime de misogynie, de racisme, d'homophobie et de transphobie

Pour cette raison, de nombreuses personnes se réunissent en communauté. Pour avoir du soutien, mais pour que leurs voix portent davantage lorsqu'elles émettent des revendications. Et c'est tant mieux, car de nombreuses communautés sont mises de côté, oubliées, méprisées, inconsidérées, discriminées...

Là où le bât blesse, c'est quand des communautés s'engagent dans des discours ou des actions dites "extrêmistes" à l'égard des communautés plus majoritaires en prônant l'idée que toute leur communauté est victime de discrimination - on parle notamment de discrimination systémique - de la part de toutes les personnes faisant partie des communautés majoritaires. Exemple : tous les hommes blancs cisgenre sont misogynes, racistes, homophobes.
Qu'il s'agisse des mouvements de féministes radicales qui considèrent tous les hommes comme des dominants et criminels en puissance ; qu'il s'agisse des mouvements antiracistes qui ne voient en l'homme et la femme blanche que des esclavagistes qui doivent se repentir des oppressions de leurs ancêtres génération après génération ; ou encore des associations transgenres ou LGB qui souhaitent réformer l'idée que le genre n'existe pas par les théories du genre.

Même si je comprends leurs combats né de leurs nombreuses souffrances - qui pour le coup sont plus que réelles - ainsi que leurs démarches à réclamer justice ou réparation pour les crimes commis à l'encontre de leur communauté respective, ces groupes font du mal à leur propre communauté qui souhaiteraient vivre en paix avec leur prochain.

Mais malheureusement, les minorités ont des voix qui portent et en voulant dénoncer de façon "extrêmes", ils participent à la stigmatisation de leur propre communauté. Et bien évidemment, les médias poussent les scandales d'opinions qui augmentent les interactions sur leurs réseaux, et leur rapportent ainsi beaucoup d'argent.

Quel meilleur moyen pour ces minorités pour se faire entendre que d'accuser des personnes connues ou inconnues de "sorcellerie" pour réclamer justice ou obtenir des avantages, de l'argent, des dédommagements ? Certes, ce terme moyenâgeux n'est plus d'actualité et nous en avons créé d'autres bien plus redoutables et indéfendables : les -phobies.

Des victimes et des coupables

L'histoire est faite ainsi... Au fil des conquêtes de territoires, il y a toujours eu des envahisseurs et des envahis, des gagnants et des perdants, des coupables et des victimes. Du monde végétal au monde animal (dont nous sommes), la vie en a toujours été ainsi. Celui qui règne est soit le plus fort, soit le plus nombreux, soit les deux. Il suffit d'observer comment l'humain année après année, contribue à l'extinction des espèces alors que la sienne est en pleine croissance. Encore aujourd'hui, selon les pays, les villes, il est question de gagner un territoire. N'est-ce pas cela la politique ? Gagner des circonscriptions, des mairies, des départements, jusqu'au pays lui-même ? Et avec logique, plus une communauté est forte, convaincue, nombreuse, plus elle peut voter pour son représentant, celui ou celle qui portera ses intérêts dans les démocraties (encore faut-il avoir la chance d'y vivre).

Pour cette raison, si comme moi vous vivez dans un pays occidental, soulignons que nous sommes privilégiés. Malgré des incidents (graves ou non) disséminés ci-et-là au sein d'une population mondiale toujours plus croissante (la population est passée de 4.5 milliards à 7 milliards en 40 ans), nous avançons vers la reconnaissance des droits individuels et la tolérance des sensibilités de chacun. Bien évidemment, chaque groupe communautaire aura son avis sur le sujet, avec ou sans bienveillance, puisqu'il y aura toujours des victimes et toujours des coupables. Qu'on parle d'agression contre les femmes, les homosexuels, les catholiques, les juifs, les musulmans, les asiatiques, etc... il est impossible d'endiguer la haine, encore moins dans des pays où le laxisme des gouvernements et le manque d'intérêt à l'égard des communautés est flagrant.

La haine fait partie de l'homme. Il suffit de regarder dans l'histoire comment des peuples d'hommes blancs se massacraient entre eux sur un même territoire déjà avant l'avènement des inégalités en tout genre. Il en était de même sur des territoires autochtones où se déroulaient des guerres de tribus. La guerre, c'est humain et animal ! (regardons les affrontement territoriaux des loups, des lions, des hyènes et de tous les groupes d'animaux vivants en communauté) et même si dans un futur lointain nous deviendrions tous métisses avec les yeux bridés, les guerres continueraient de rythmer les moments de l'histoire de notre planète.

Aujourd'hui, grâce aux réseaux sociaux, les victimes se font justice elles-mêmes. Et pour qu'une accusation ait un impact et fasse écho dans les médias ou sur les réseaux sociaux, l'accusation doit être suivie du suffixe -phobe. Homophobe, lesbophobe, transphobe, islamophobe, xénophobe... avec leurs dérivés, raciste, antisémite, misogyne, misandre...

Mais une question se pose...

Les coupables le sont-ils toujours ?

Il devient facile de se faire justice sans passer par la case tribunal et sans en référer aux lois démocratiques qui n'ont plus grandes valeurs sur les réseaux de la haine.

Les nouvelles sorcières des temps modernes sont des "-phobes" laissés en liberté, qu'on aimerait faire disparaître et qu'on incite à tuer.

Car qui dit "-phobe" dit "peur" et pour un meilleur impact, la définition s'est élargie à "haine". Donc par définition, une personne -phobique est une personne habitée par la haine de son prochain. Si à l'époque on avait peur des "sorcières" qu'on faisait exécuter en raison du danger qu'elles faisaient naître dans les esprits fragiles, aujourd'hui, on estime que ces sorcières ont peur de leurs victimes qu'elles agressent, et méritent donc.. le bûcher !

Une flagrante inversion

N'avez-vous jamais constaté dans les fils d'actualités des différents médias que très souvent, les victimes deviennent les coupables ? Combien de femmes souhaitant dénoncer des abus sexuels se retrouvent sur le banc des accusées et traînées devant les tribunaux ? Combien de professeurs se retrouvent insultés, attaqués verbalement, physiquement - une pensée pour Samuel Paty - pour avoir suivi un programme éducatif imposé par l'Education Nationale ? N'oublions pas les policiers qui mettent leur vie en danger et sont haïs, détestés par une frange incroyable de la population...

Quand ces gens sont attaqués, tués, bafoués, beaucoup de gens disent "oui, c'est triste... mais il/elle l'avait mérité parce que..."

On justifie la terreur. On justifie la haine. On justifie des exécutions ou des menaces de morts...

Les valeurs s'inversent. Les victimes se retrouvent agresseurs et agressées. Quelles que soient les raisons, la sorcière - ou plutôt le ou la -phobe - a toujours tort et doit être éliminé. Car qui dit -phobe, dit victime, et qui dit victime, dit coupable. Le -phobe est de facto coupable, qu'on ait ou non prouvé sa culpabilité.

Quelle est la définition du -phobe ?

Le Larousse nous donne une définition de la -phobie :

  • 1. Crainte angoissante et injustifiée d'une situation, d'un objet ou de l'accomplissement d'une action.
  • 2. Aversion très vive pour quelqu'un ou peur instinctive de quelque chose : Avoir la phobie de la foule.

Les -phobes ne sont pas uniquement des personnes qui ont peur. Comme expliqué plus haut, il serait question de haine, et pour asseoir cette définition stricte de la phobie envers les humains, les victimes ne font pas de procès devant des tribunaux (face auxquels certaines phobies comme les LGBTphobies, sont pourtant sévèrement punies par la loi). (La loi punit toute discrimination. Il s’agit d’un délit dont la peine maximale est de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. De plus, la « LGBTphobie » est une circonstance aggravante. Elle permet de faire condamner plus lourdement l’agresseur.)

Si la justice n'intervient pas, les victimes appliquent leur justice sur les réseaux sociaux, le plus souvent sans passer par la case justice et dépôt de plainte.

Tout le monde connaît une célébrité accusée d'avoir partagé des propos haineux, ayant subi des déferlements d'insultes et d'appel aux meurtres, pour délit d'opinion.

Quelques exemples

Les procès en sorcellerie on laissé place aux procès en phobie. Par le biais de croyances et d'imposer le respect desdites croyances à l'encontre de la liberté d'expression dans les pays dits démocratiques, quiconque - n'étant pas effrayé par un procès en diffamation - peut aujourd'hui faire un procès public et lancer des appels à la haine, à la diffamation, à l'encontre d'un ou d'une inconnue soupçonné.e de partager une opinion divergente ou irrespectueuse à l'égard d'une croyance, d'une communauté ou d'une idée.

En ce sens, la liberté d'expression couvrant légalement le droit à la critique et au blasphème de n'importe quelle croyance, se tarit et s'effrite à vue d'oeil. Tant de gens n'osent plus parler. Tant de gens se censurent... D'ailleurs, vous censurez-vous ?

Je ne citerai que deux noms pour illustrer ce propos : J.K. Rowling et Mila. Deux générations, deux pays occidentaux, deux femmes qui ont divisé les opinions avec une rare violence.

  • J.K. Rownling, accusée de transphobie pour avoir dit que le sexe est une réalité biologique. Idée qui va à l'encontre des théories LGBT+ qui affirment que le sexe n'est pas réel et que le genre est une construction sociale. L'autrice de la saga "Harry Potter" est régulièrement lynchée et a été invitée à ne pas se présenter au 20e anniversaire de son propre roman.
  • Mila, accusée d'islamophobie pour avoir insulté un personnage coranique (cf. le prophète Mahomet). Adolescente et lycéenne au moment des faits ayant subi des appels au viol et au meurtre d'elle-même et de sa famille ; la jeune femme a été mise sous protection policière et n'a pas réussi à intégrer un lycée pour continuer ses études.

Deux exemples, deux personnes qui n'ont pas bénéficié de la présomption d'innocence, deux femmes attaquées sur les réseaux sociaux et considérées comme coupables par différentes communautés qui ont amplement appelé aux meurtres sans attendre ni intenter le moindre procès.

La phobie comme arme sociale et politique

Quel meilleur moyen pour faire taire une personne que la taxer de "phobe" ?

Avoir recours à cet usage face à des interlocuteurs parfois agressifs sur les réseaux sociaux porte toujours ses fruits. L'attaque en -phobie ou en racisme est pratique puisque non seulement, elle énerve l'interlocuteur, mais elle met fin au débat puisque par définition, la personne -phobique est une personne souffrant d'une défaillance mentale. On ne discute donc pas avec les folles ou les fous.

En termes d'échange toxique, inciter son interlocuteur à se justifier, à se défendre, pour prouver qu'il n'est pas ce dont on l'accuse, est souvent peine perdue. Imaginez, en tant que gay, vous faire accuser d'homophobie... Même si vous répondez que vous êtes gay, ou lesbienne, cette réponse ne vous garantit pas de gagner le débat. Après tout, combien de gays ont violenté d'autres gays parce qu'ils rejetaient leur homosexualité ?

Chaque mot en -phobe est une arme, car chacun peut véhiculer une fausse croyance quand ce terme est utilisé à mauvais escient, ce qui est devient une véritable épidémie sur les réseaux de la haine.

Nous connaissons tous des personnes arachnophobes, agoraphobes, claustrophobes... Nous savons ce que la -phobie peut créer des angoisses, un comportement déraisonné. Le -phobe, par peur incontrôlable, perd toute raison et ne parvient plus à fonctionner normalement comme le commun des mortels.

Imaginez un seul instant que la société soit telle que décrite par de nombreuses communautés : habitée de personnes homophobes, lesbophobes, transphobes, cathophobes, islamophobes, xénophobes, grossophobes, racistes, misandres, misogynes, etc... qui, à la vue d'un individu LGBT+, racisé ou ayant foi en une religion, s'enfuiraient en courant, se mettraient à hurler, ou pire, appuieraient sur l'accélérateur pour l'exterminer comme on tue une araignée sous l'effet de la panique...

Nombre de ces alertes en -phobie relèvent de fausses croyances érigées comme des combats qui ne font que dressés les individus les uns contre les autres. Elles sont véhiculées sciemment dans le même objectif qu'au temps des Sorcières de Salem : créer la peur et diviser pour mieux régner.

Pour changer ces croyances, il faut changer les mots. Quand des crimes sont commis à l'encontre des communautés minoritaires ou par des communautés minoritaire, il est préférable de parler d'intolérance, de méchanceté, de sadisme, de folie, de perversité, ou de crime de haine, mais pas systématiquement phobie. Exemple : quand un islamiste attaque des personnes LGBT au nom d'Allah car l'homosexualité est un crime selon le Coran, les médias de gauche évoque un homme "détraqué", une personne instable, et ne fournissent ni le nom, ni l'origine, ni la religion de l'agresseur, une précaution nécessaire pour ne pas stigmatiser tous les croyants de l'Islam ; tandis que les médias de droite ou d'extrême droit fournissent nom, prénom, origine, et tous les détails qui vont inciter les gens à réagir à travers leurs émotions. Ce n'est pas pour rien que la religion prend autant de place dans l'actualité française.

Pour en revenir aux -phobies, on ne s'attaque pas à une personne différente où dont on ne rejoint pas les croyances, les valeurs, les idées de genre, les attirances sexuelles, comme on s'attaque à une araignée parce qu'elle nous effraie.

  • Décapiter un professeur avec un couteau est un crime de haine,
  • Frapper, violer une femme ou la tuer, est un crime de haine,
  • Assassiner un prêtre dans une église est un crime de haine,
  • Attaquer une église ou une mosquée par ce que des gens y prient un Dieu auquel ils croient, est un crime de haine,
  • Attaquer ou insulter des gens parce qu'ils sont LGBTQ+ est un crime de haine

Ne pas apprécier une communauté est une question de préférence, de choix, de valeurs. Ne pas vouloir se promener dans le quartier chinois, n'est pas de la "sinophobie" (Hostilité et discrimination envers les Chinois.) Préférer les femmes rondes aux femmes maigres, n'est pas de la haine des femmes maigres. Rejeter les religions, quelles qu'elles soient, n'est pas de la christianophobie, de sionisme ou de l'islamophobie. Si nous devons respecter les personnes qui apprécient ces croyances, pourquoi les individus qui ne les apprécient pas pour des raisons qui leur sont personnelles, sont-ils placés sur la banc des accusés et des phobes ? Pourquoi une femme lesbienne qui n'a pas l'envie ni le désir de sortir avec une femme transgenre est accusée de transphobie ?

La réponse est simple : parce que les gens confondent haine et indifférence et que l'indifférence est considérée comme de la haine.

En plus des sentiments de haine qui s'élèvent parmi ces différences de croyances ou d'appréciations identitaires, faire naître la peur par la différence est une stratégie vieille comme le monde et permet aux hautes instances qui nous gouvernent de détourner l'attention des vrais problèmes.

Sur les médias que nous les laissons entrer sur nos écrans, nous regardons cette propagande de la haine, de la sorcellerie moderne... affrontements, intolérance, insultes, agressions, meurtres, émeutes...  voilà à quelle sauce sont biberonnées les nouvelles générations : la haine de leur prochain au nom de la tolérance, la haine de leurs professeurs, la haine de la police, la haine des institutions supposées les accompagner à devenir des adultes, ou à les protéger.

Chaque jour, de nouvelles sorcières et de nouveaux sorciers sont créés, et avec rage, besoin de vengeance et de justice, les communautés brandissent leur smartphone pour les brûler de leurs messages de haine... et parfois, certains passent du virtuel au réel et des gens sont tués. Des anecdotes vites oubliées et remplacées par d'autres sorcières à brûler.

Tout ça pour nous faire détourner les yeux de la lente déchéance de nos systèmes d'éducation, sanitaire, énergétique, alimentaire, et surtout, du drame écologique vers lequel nous avançons chaque jour un peu plus pour causer notre propre perte... Tout est tourné vers l'ego qui, submergé par la haine, reste un consommateur docile qui engraisse les lobbys complices des politiques.

Conclusion

Notre civilisation perd ses capacités de réflexion, d'analyse, de pensée critique et ne sait plus nuancer. Elle exige de sortir d'un mode de pensée binaire, mais elle s'y perd elle-même en créant des microsociétés ou s'affrontent les gens "biens", et les gens "pas biens" opposant ceux qui croient, de ceux qui ne croient pas.

Nous confondons jugement, méchanceté, bêtise, manque d'éducation, et différences culturelles avec phobies. Le jugement fait partie de l'humain, qu'on l'accepte ou non. Tout le monde juge, c'est un fait. Les personnes qui proclament ne jamais juger mentent. Même si elles n'énoncent pas verbalement leur jugement, elles jugent. "Ceci est beau, ceci est laid, ceci est bon, ceci est mauvais...".

Quels que soient les choix des uns ou des autres, les jugements déferlent dès l'instant où vous partagez un avis, que ce soit : sur vos croyances, sur le fait de manger de la viande ou des légumes, de préférer les garçons aux filles, de vouloir ou non des enfants, d'être patron ou au chômage, de décider d'avorter,  de refuser de se marier... Dès l'instant où votre opinion ira à l'inverse des généralités, vous serez jugés et vous deviendrez une sorcière ou un sorcier.

Sans nuance. Parce que les générations présentes et futures ne savent plus nuancer et sont polarisées.

D'ailleurs, ce texte est un jugement. Vous êtes en train de le juger, de me juger. En bien ou en mal, peu importe. Si vous avez lu la totalité de cet article en réfléchissant à chaque point ou en vous énervant, ça ne fait de vous rien de moins qu'une personne humaine avec ses sensibilités. Et vous avez le droit de juger, d'être sensible, en accord, partiellement d'accord ou totalement en désaccord avec ce texte...

Et la tolérance, c'est de pouvoir en discuter, sans heurt, pour tenter de se comprendre, d'analyser nos arguments, afin de réfléchir et peut-être de sortir de ce cercle infernal de la haine. Pourquoi existe-t-elle ? Comment l'endiguer ?

Les jugements en quelques questions

  • Que pensez-vous de Galilée, condamné par l'Église d'être hérétique parce qu'il disait que la terre tournait autour du soleil et non l'inverse ?
  • Que pensez-vous de Jeanne d'Arc, brûlée vive après un procès en hérésie conduite par Pierre Cauchon, ancien recteur de l'université de Paris, alors qu'elle a permis à Charles VII de devenir roi ?
  • Qui sont les hérétiques des temps modernes ? Celles et ceux qui se battent contre les religions en place ou les nouvelles idéologies sectaires du même acabit ?
  • Avez-vous déjà pris part à une dénonciation publique d'une personne qui ne pense pas comme vous en lui mettant une cible sur le dos ?
  • Que pensez-vous de la jeune Mila qui a reçu plus de 100.000 messages de haine pour avoir dit qu'un prophète était un ami imaginaire et qu'elle lui mettait un doigt au c** ? Êtes-vous de celles et ceux qui disent « oui la pauvre, mais... » ? A-t-elle mérité son sort ?
  • Que pensez-vous de J.K. Rowling que certains LGBT appellent à tuer, parce qu'elle dit que le sexe est une réalité biologique, scientifique, quand en même temps, à l’extrême opposé, d'autres puritains veulent annuler ses livres parce qu'au contraire, la saga Harry Potter propageraient supposément une idéologie LGBT ? Êtes-vous de celles et ceux qui disent « oui la pauvre, mais... » ? Mérite-t-elle ces appels aux meurtres ?
  • Êtes-vous de celles et ceux qui acceptent certaines violences ou appels à la violence selon leurs croyances ?
  • Êtes-vous de ceux qui exigent de brûler des livres, de déboulonner des statues, d’annuler des gens parce qu’ils sont blancs, parce qu’ils sont mâles, parce qu’ils sont cisgenres, hétéros, minces, chefs d’entreprise, musclé, beau, riche, heureux.. ou qu’ils mangent de la viande ?
  • Pensez-vous qu'ils soient nécessaire d'annuler les grands musiciens Russes comme Tchaïkovski, Rachmaninov, Prokofiev à cause de la guerre en Ukraine ?
  • Soutenez-vous les appels à la haine, aux meurtres, parce que des gens vivent des faits, des idées, des opinions, des constats, des réalités différentes des vôtres ?
  • Êtes-vous de celles et ceux qui sont pour la liberté d'expression totale, ou… pas vraiment ! Pas quand celle-ci s'oppose à vos croyances, vos valeurs, votre morale, votre religion, vos convictions, votre sexualité, votre culture, vos habitudes alimentaires, votre genre, vos caractéristiques mentales ?
  • Combien de sorcières et de sorciers avez-vous moqué, condamné, insulté, rabaissé, humilié en public ?
  • Combien de ces personnes publiques ou dans votre cercle privé haïssez-vous parce qu’ils n’entrent pas dans votre système de pensées et de croyances ?

Et enfin :

Quel est votre réel degré de tolérance et de respect envers les opinions divergente de votre prochain ?

La sorcière bien-aimée