Skip to main content
| Alexia Damyl | Arts et Culture

L’intérêt de développer une littérature enfantine LGBT+

(Temps de lecture: 3 - 5 minutes)

L’intérêt de développer une littérature enfantine LGBT+

Alors que ma cousine vient de donner naissance à une petite et magnifique (c’est de famille) Mélina – j’en profite d’ailleurs pour la féliciter une fois de plus ici même – je m’interroge sur le petit cadeau qu’il est d’usage d’amener à la maternité pour ma première rencontre avec le bébé.

S’il y a quelques semaines déjà je n’ai pas dérogé à la tradition en participant à la liste de naissance que les heureux parents avaient établie, je me verrais mal aller serrer dans mes bras la petite merveille sans lui avoir amené une bêtise dont elle se contrefout en cet instant même.

Une bêtise, peut-être pas. Une fois n’est pas coutume.

Quoi de mieux qu’un album, qu’elle et sa sœur pourront lire ensemble d’ici quelques mois ? Quoi de mieux qu’un livre qui ouvre ces chères têtes blondes à un monde de bienveillance et de tolérance ? Le geste paraît innocent, mais n’est-il pas le germe d’un acte militant ? Une petite graine de largeur d’esprit semée au vent ? Après tout, nous sommes en droit de nous interroger : ne serait-ce pas une forme de prosélytisme ? Certains détracteurs pourraient même m’accuser de faire du lobbying, de me la jouer Mafia Lavande, Khmer rose ou Gaystapo.

Reconnaissons que je me contrefous de ceux-là et de leur peur panique d’un monde peut-être trop doux et respectueux de chacun, où la fraternité serait légion. Je ne suis pas la psy de ces détraqués de l’harmonie. Aussi, vous ai-je concocté une petite sélection des albums qui ont su toucher la corde sensible de la maman, la tatie, l’amie, la cousine ou encore l’enseignante de maternelle que je suis.

livres-homosexualite-pour-enfants L’intérêt de développer une littérature enfantine LGBT+

Voici donc une liste non exhaustive à offrir sans modération aux enfants de 0 à 6 ans de votre entourage ou aux maîtresses de ceux-ci et surtout sans aucun cas de conscience :

  • « Jean a deux mamans » d’Ophélie Texier est le livre cartonné de référence pour les plus jeunes. Il peut être mâché, jeté, piétiné… et présente aux bébés un modèle familial où Jean est élevé, comme le titre l’indique, par deux mamans. Les figures animales (ce sont des loups) passent bien auprès d’un public jeune et prennent le contre-pied du loup effrayant des contes. Une autre façon de lutter contre les stéréotypes ?

 

  • Je vais maintenant vous présenter l’un de mes chouchous, « Cristelle et Crioline » de Muriel Douru. Pour commencer, je vous invite à découvrir la bibliographie de cette auteure/illustratrice engagée, que ce soit dans le féminisme ou pour le climat. Ensuite, ce livre, si vous saviez combien je l’ai utilisé en classe, avec mes élèves de grande section ! Il fait partie intégrante d’un projet mené sur les princesses. Dit ainsi, la séquence paraît tellement bateau. Eh bien détrompez-vous. J’ai adoré surprendre ces gamins de 5 ans qui soupiraient à l’annonce du projet à venir. « Les princesses, c’est nul ». Tout est question de point de vue et de façon de présenter les choses.

 

Alors si après leur avoir lu quelques contes traditionnels et disserté sur la vie de Kate Middleton, vous prenait l’envie de raconter à vos bambins comment une princesse peut en aimer une autre… cet album est fait pour vous.

  • Parce que l’on présente plus souvent des familles homoparentales où deux femmes élèvent un ou des enfant(s), « Mes deux papas » de Juliette Panachini-Deny tire son épingle du jeu. Au fil des pages, d’illustrations au style dépouillé (qui convient parfaitement aux petits) et de textes courts, nous découvrons une famille oiseau où il fait bon vivre. Lilou a deux papas, cela étonne à l’école des oiseaux, mais pas très longtemps, car une famille, qu’est-ce que c’est ? Voilà la question qu’une journaliste avait posée il y a quelque temps à mes filles et à laquelle elles avaient répondu : des gens qui s’aiment et s’aimeront au fil du temps. L’auteure voulait nous faire découvrir une famille comme les autres, pari réussi avec « Mes deux papas ».

 

Maintenant entrons dans le top 3, où je vais rapidement vous présenter mes… 4 albums coup de cœur. Et si, si, j’ai bien écrit top 3, vous allez comprendre pourquoi.

  • « Camille veut une nouvelle famille » de Yann Walcker a pris le parti de faire découvrir à une petite fille hérisson qui se plaint de ses parents aimants divers schémas familiaux. Un album tout en douceur qui permet aux enfants de se reconnaître ou de découvrir des modèles qu’ils n’imaginaient peut-être pas.

 

  • Le concept est un peu le même dans « C’est tout à fait normal » de Thaïs Vanderheyden où l’on suit un facteur mille-pattes dans sa distribution du courrier. J’aime beaucoup la fraîcheur des dialogues et les illustrations colorées qui peuplent les pages de ce livre au rythme enlevé. Une ode à la tolérance que je ne peux que conseiller !
  • Enfin, terminons avec « Tango a deux papas et pourquoi pas » de Béatrice Boutignon et « Et avec Tango, nous voilà trois ! » de Justin Richardson qui racontent l’histoire vraie de manchots ayant adopté un petit dans un zoo américain. A qui veut clouer le bec aux partisans de l’argument « l’homosexualité est contre nature ».

 

Savez-vous que le stock lexical d’enfants entrant en petite section et à qui l’on lit des histoires depuis le plus jeune âge (disons 9 mois environ) est multiplié par dix au regard de celui d’un enfant élevé devant un écran de télévision ? Et si l’on commençait à construire le monde et les citoyens de demain avec une littérature jeunesse un peu plus diversifiée et moins édulcorée ? Car, comme l’a écrit Victor Hugo « Lire, c’est boire et manger. L’esprit qui ne lit pas maigrit comme le corps qui ne mange pas ».