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"Room in Rome" : un petit bijou de film lesbien

(Temps de lecture: 3 - 6 minutes)

"Room in Rome" : un petit bijou de film lesbien

Il y a quelques mois quand j’ai eu la joie de commencer à écrire des chroniques dans Lesbia Magazine, un de mes premiers articles avait été consacré au film de Catherine Corsini, La belle saison, qui est mon film lesbien préféré. Certes, malgré les festivals de tout poil, le cinéma n’est pas une épreuve des JO avec podium, médaille d’or, d’argent et de bronze. Tout cela reste principalement une appréhension totalement subjective. Cependant, je mettrais bien sur la seconde marche de mon podium, le film espagnol de 2010 du réalisateur Julio Medem, initialement intitulé « Habitación en Roma », et principalement distribué sous le titre « Room in Rome ».

Sommaire

L’argument

Celui-ci est simplissime. Lors d’une dernière nuit de leur séjour dans la Ville Éternelle, deux jeunes femmes se rencontrent dans un bar. L’une, espagnole, est lesbienne depuis toujours. L’autre est une Russe profitant d’un séjour romain avant son mariage avec l’homme avec lequel elle est fiancée. L’espagnole propose à la Russe de venir passer la nuit dans sa chambre d’hôtel. Un peu éméchée, la seconde accepte sans trop se poser de questions. L’histoire, et donc le film, faillissent s’arrêter dès les premières minutes quand la Russe, qui dit s’appeler Natascha, au moment des premiers attouchements, semble se rétracter. Sa partenaire, compréhensive, lui propose d’attendre quelques minutes avant de recommencer. Le problème est que, annihilée par l’alcool, elle s’endort… Natascha en profite pour quitter la chambre. C’était sans compter sur son téléphone qu’elle avait laissé tomber sous le lit et qui réveille la jeune Espagnole. Celle-ci émerge en se demandant pourquoi sa sonnerie de téléphone a changé et que l’écran affiche des caractères cyrilliques. Revenue pour le chercher, la Russe tombe finalement dans les bras de sa compagne d’un soir.

Commence alors une longue nuit, mais pas celle à laquelle les deux jeunes femmes s’attendaient.

Un film construit comme une pièce de théâtre

Si vous rassemblez les souvenirs de vos études secondaires, vous vous remémorez j’en suis certaine, la règle des trois unités dans l’art théâtral. Unité de lieu. Unité de temps. Unité d’action.

Unité de lieu : la chambre d’hôtel. Mais, attention, pas n’importe quelle chambre d’hôtel. Pas une de celles à la décoration impersonnelle et passe-partout. Une chambre garnie à outrance de reproductions d’objets d’art, dont des tableaux de la Renaissance italienne représentant des scènes contemporaines à celle-ci ou issues de la Grèce antique et lui donnent ainsi une ambiance un peu mystérieuse.

Unité de temps : une seule nuit, et qui plus est, celle du solstice d’été le 21 juin.

Unité d’action : si l’argument est simple, la façon dont le traite le réalisateur est dense et d’une richesse impressionnante. Ce qui devait être au départ un « plan sexe », évolue très vite vers une découverte mutuelle et explosive des sentiments des deux femmes. Vers une augmentation exponentielle de la profondeur de ceux-ci.

Jouer sur les symboles

D’aucuns pourraient reprocher que ceux-ci sont un peu envahissants et convenus. Certes, mais il n’en reste pas moins qu’ils participent à la densité du film.

Les deux jeunes femmes se mettent à nu physiquement dès les premières minutes. Cela permet de profiter de la splendeur des deux actrices Elena Anaya et Natascha Yarovenko, dont le tournage n’a pas dû être facile. Si elles dévoilent aussi facilement leurs corps, il n’en va pas de même pour leurs vies. Entre dénis et affabulations, il est difficile de les cerner. C’est ainsi que l’on ne connaît le véritable prénom de la jeune Espagnole que très tardivement : Alba. On apprend ensuite qu’elle vit en couple avec une certaine Edurne à Saint-Sébastien dans le Pays basque et qu’elle est ingénieure en mécanique, inventrice d’une bicyclette électrique auto rechargeable qu’elle est venue présenter à Rome. Natascha, quant à elle se fait d’abord passer pour une joueuse de tennis, mais finit par avouer qu’il s’agit de sa sœur jumelle Dasha, et que, elle, est une doctorante en histoire de l’art de la Renaissance italienne et qu’elle va épouser Vadim, son directeur de thèse.

Quand, au petit matin, elles finissent par se revêtir d’un peignoir elles n’ignorent plus rien de leurs existences réciproques.

Dans le même ordre d’idées, la photographie du réalisateur reste longtemps dans une ambiance obscure. Ici aussi, d’une manière allégorique, au fur et à mesure que se termine la nuit et que la lumière réapparaît, le premier soleil de l’été se lève sur Rome et inonde la chambre de lumière, Alba et Natascha le savent : elles sont amoureuses l’une de l’autre. Leur parcours « initiatique » est terminé. Elles se rhabillent.

Le sexe : un fil rouge en pointillés…

Le film comporte des scènes sexuelles explicites. Il est d’ailleurs classifié +16.

Mais, elles n’en sont qu’une composante. Jamais une fin en soi.

Plus que jamais, on peut également y voir une référence au théâtre. Chaque scène « torride » est comparable à un lever de rideau au début de chaque acte. Leur intensité annonce celle de l’évolution des relations sentimentales entre Alba et Natascha.

Du rêve à la réalité

Précisément, lorsque le jour se fait, l’implacable réalité vient s’imposer aux deux jeunes femmes. Elles sont éloignées géographiquement, familialement et socialement. Pourtant, « on continue à y croire ». Malgré tout, il y a un retour au quotidien presque obscène lorsqu’Alba refait ses bagages.

Mais, attention ! Julio Medem sait manipuler ses spectateurs et la fin n’est pas forcément la conclusion !

Mais, peu importe les dernières secondes du film, quelles qu’elles soient. L’essentiel est le contenu de celui-ci. Et « Room in Rome » est extraordinaire ! Une véritable bulle onirique. Quel bonheur de suivre ces deux jeunes femmes pour qui ces quelques heures marqueront du sceau indélébile leur existence, jusqu’alors plutôt vaine, de la découverte de leur amour réciproque et exalté.

Inutile de le recommander : que celles qui ne connaissent pas se précipitent pour visionner ce film. Il est disponible en location streaming sur Universciné (VOSTFR) ou sur Prime Vidéo (VF).

La bande annonce