L’hystérie est-elle la maladie de la femme ?
Introduction
Le terme d’« hystérie » a une longue histoire derrière lui. Pourtant, qui de nous serait capable d’en donner l’origine exacte ? Dans notre imaginaire, le mot « hystérie » fait pourtant référence à quelque chose de concret : les femmes, ou plus exactement, l’inclination naturelle de la gent féminine à posséder des troubles de l’humeur et du comportement. Il est aussi empreint d’une acception médicale, bien qu’aujourd’hui, ce terme n’apparaisse plus dans les registres de maladie contemporains, dont le très célèbre Manuel de diagnostic des troubles mentaux[1] où il a été supprimé depuis 1952.
Sommaire
L’hystérie dans l’histoire
Bien qu’aujourd’hui la maladie de l’hystérie telle qu’on la percevait auparavant n’existe plus d’un point de vue sémantique, deux choses perdurent : les symptômes de ce mal, et donc de la maladie elle-même, mais aussi, et surtout, l’omniprésence de la question de la sexualité en filigrane. Chose notable, on observe une reconnaissance de ce trouble dans quasiment toutes les civilisations de toutes les époques. Parallèlement, la perception de l’hystérie des différents peuples s’est calquée sur leurs mœurs, coutumes, autrement dit, sur leur idée de la morale ou de la femme.
L’Égypte ancienne
On le sait, cette maladie, ou du moins l’expression précise de « l’hystérie » nous vient de Sigmund Freud, neurologue autrichien et fondateur de la psychanalyse. Pourtant, on retrouve dans certains textes antiques égyptiens, notamment sur des papyrus médicaux, les prémices des idées de l’auteur. Les Égyptiens considéraient que les femmes, et seulement elles, pouvaient souffrir d’un déséquilibre mental lorsque leur organe reproducteur souffrait de frustration, et que son déplacement dans le corps féminin causait le déplacement des autres organes.
L’Antiquité grecque
C’est aux Grecs que l’on doit le terme exact d’hystérie. En effet, inspirés par leurs prédécesseurs égyptiens en la matière, ils nommèrent la maladie « hystérie », d’hystera, c’est-à-dire tout simplement « utérus ». C’est une étape décisive dans notre conception de la maladie, puisque dès lors, toutes les théories qui naîtront par la suite conserveront et ce terme, et ce malade, la femme dont l’utérus se déplace dans le corps. On pensait alors que les femmes souffrant de ce mal étaient les plus âgées, celles qui n’avaient donc plus de rapports sexuels depuis un moment. L’utérus se desséchait ainsi, provoquant un rapetissement de l’objet avant une remontée jusqu’aux hypocondres, ce qui bloquait l’arrivée d’air. Quand l’utérus remontait jusqu’au cœur, alors la femme souffrait de stress et de nausées. Au foie, la femme devenait incapable de parler, blême, et grinçait des dents. Aux reins, la femme ressentait une boule dure dans la hanche. À la tête, la femme souffrait de douleurs aux yeux, au nez, et devenait somnolente.
Pendant le Moyen-Âge
Au Moyen-Âge, le mot femme était très souvent synonyme de Diable. Ainsi, l’hystérie était révélatrice d’une accointance démoniaque : la femme et le démon avaient signé un pacte. Le remède à cette époque-là est bien moins tendre qu’au XIVe siècle ; diabolisées, les femmes étaient tout simplement brûlées vives. En effet, la notion de frustration sexuelle disparaît. Le plaisir était une notion tabou : impossible de penser qu’une femme puisse en prendre. Dès lors, si elle tentait d’être indépendante, on la considérait comme une sorcière et elle passait au bûcher. Guérison immédiate.
L’hystérie aujourd’hui
L’apport du XIVe siècle
Jean-Martin Charcot, un des pères aux côtés de Freud dans ce domaine, continuera dans cette vision de la maladie en affirmant :
« C’est toujours, toujours la chose génitale qui est à l’œuvre dans des cas pareils. »
Ces neurologues, s’ils laissent de côté la question démoniaque et les déplacements de l’utérus dans le corps, vont tout de même accentuer leurs recherches sur la frustration et la jouissance sexuelle de la femme.
Mais qui dit maladie, dit remède. Et au XIXe siècle, les médecins vont se charger de guérir ces pauvres femmes en pratiquant manuellement des massages... sur les parties génitales. Business lucratif pour eux, puisqu’à cette époque-là, une femme sur quatre était considérée hystérique. C’est d’ailleurs à l’un de ces médecins, Joseph Mortimer Granville, que l’on doit le vibromasseur.
L’hystérie dans notre langage courant et société
Tout ceci nous retrace la longue histoire de ce mal, mais que penser de l’hystérie de nos jours ? En effet, ce trouble n’est plus reconnu dans le Manuel de diagnostic des troubles mentaux, et se fait joliment appeler aujourd’hui « troubles de conversion ». L’hystérie existe, oui. Seulement, elle n’est plus l’apanage des femmes. Des hommes peuvent aussi en souffrir, et ce quel que soit leur âge, leur statut marital, ou leur fréquence de leurs rapports sexuels.
Malheureusement, il n’est pas rare d’entendre encore une insulte pour tenter de décrédibiliser la cause des femmes : « Quelle hystérique celle-là ! », et compagnie. Dès lors, que faire ? Remplacer ce mot et l’oublier pour toujours, ou bien le garder comme symbole en se le réappropriant ?
Chez les féministes, la question divise. Pour certaines, notamment Simone de Beauvoir, parler d’ « hystérie » pour parler d’une femme est non seulement sexiste, mais devrait être également punissable par la loi. Il est vrai que ce terme a été pensé et forgé par des hommes pour expliquer ce qu’ils ne comprennent pas chez les femmes, et qu’ils ne perçoivent pas même chez eux.
Pour d’autres, il est important de se réapproprier ce terme. Comme d’autres communautés peuvent le faire avec des termes péjoratifs et insultants, l’hystérie doit être revalorisée et mise sur le devant de la scène, dans un souci de créer un nouveau sens, positif. Être hystérique, c’est être libre, indépendante, et en lutte contre le patriarcat.
Et pour vous, que signifie l’hystérie et comment la percevez-vous ?
Sources
Pizzuto Alexandra, « Pourquoi bannir le mot "hystérie" de notre vocabulaire servirait la cause des femmes », dans Marie Claire, 2020, en ligne : https://www.marieclaire.fr/hysterie-hysterique,1357752.asp
Veith Ilza, Histoire de l’hystérie, Seghers, 1972.
[1] Mental Disorders Diagnostic Manual de l’Association psychiatrique américaine.
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