L'histoire de mon coming-out lesbien
Il existe autant de coming-out que de lesbiennes, gays, trans, etc.
Pour ma part, mon coming-out lesbien ne s’est pas spécialement bien déroulé et j’avais envie de le raconter. J’espère que les mentalités évoluent, que les parents s’ouvrent et comprennent que leur enfant ne change pas du fait de sa sexualité, ou plutôt si, il devient lui, enfin !
Je viens d’une famille composée de trois filles, un père d’un autre temps, âgé de vingt ans de plus que ma mère qui m’a eue jeune, très jeune, catholique... le terreau idéal pour un coming-out tel qu’il s’est déroulé !
Sommaire
Quelques repères
À l’époque où j’ai découvert que seules les femmes éveillaient en moi un intérêt certain, Internet n’existait pas. De plus, je ne connaissais aucune autre jeune fille ni femme concernée par l’homosexualité féminine dans mon entourage. J’en ai sans doute côtoyées au lycée, mais je l’ignorais. Il n’y avait pas de campagne soutenant la cause des LGBT, pas de mariage pour tous, même pas de numéro vert consacré à cette cause, c’était le désert.
Petit focus sur mes parents, les adultes responsables de moi, censés me soutenir, m’aider à m’épanouir et devenir une femme bien dans ses baskets.
Mon coming-out lesbien auprès de mon père ?
Du haut de mes dix-sept ans, je tente une approche. Un soir je me dirige vers lui et lui pose la question fatidique :
- Papa ? Qu’est-ce que tu ferais si une de tes filles t’annonçait qu’elle est homosexuelle ?
Ses yeux bleus clairs, glaciaux, posés sur moi sur l’instant me promettent une réponse haute en couleur. Il plisse légèrement les sourcils et me désarçonne par ses propos même si je me doutais déjà de son positionnement.
- Eh bien, je ne renierai pas ma fille, mais sa copine ne franchira jamais les portes de la maison !
Brrrrrr ! Il a tenu parole, j’ai pu le vérifier quelques années après.
Mon coming-out lesbien auprès de ma mère ?
Une jeune femme tombée enceinte tôt, issue d’une île des Antilles où on ne se pose pas ce type de question, ou alors on le cache. Comme ça, pas besoin de réfléchir, de se confronter, ni d’entendre les choses. Fervente catholique, elle récite les « valeurs » prônées par l’Eglise, donc l’homosexualité est forcément « contre-nature ». Pas de dialogue possible, pas d’échange, next !
Les faits
Dans ce milieu où je perçois que je risque de perdre ma famille si je verbalise le désir secret qui m’anime, je ne dis rien pendant longtemps. Enfermée dans le statut de célibataire, je regarde mes petites sœurs s’unir et fonder leur famille.
Un jour, pourtant, la réalité s’impose à moi. J’ai le coup de foudre pour une femme et cette fois, je compte bien vivre tout ce que cette merveilleuse réalité m’apporte. Je garde pour moi mon émoi et mes émotions. Lors d’un repas familial, mon entourage me parle mais je n’entends pas. Mon esprit est ailleurs, mes sens sont en éveil et mon cœur bat fort, tellement fort que c’en est douloureux. Les heures s’égrènent lentement, je n’ai qu’une hâte, celle de rentrer chez moi pour penser à celle qui donne un autre sens à ma vie.
Ma petite sœur me connaît bien, elle sait que je cache quelque chose alors elle vient explorer. Elle me presse de questions et je finis par lâcher le morceau, je suis tellement contente de pouvoir en parler à quelqu’un de ma famille, de mes proches, ma valeur refuge, en théorie tout du moins.
Dès lors, les événements s’enchaînent. Ma petite sœur a toujours été le vecteur de communication entre mon père et moi. Elle l’informe de la situation, il ne me dit rien directement mais, a priori, je suis habillée pour les hivers les plus rigoureux à venir !
Je vis à fond mon histoire d’amour, la première, une des plus belles ! Ma compagne de l’époque ne s’offusque pas de ne pas être invitée dans ma famille, elle se débat déjà dans les affres de la sienne. Tout va bien alors, je vis des moments avec elle et je participe à d’autres moments avec ma famille. Le sujet de mon homosexualité n’est pas abordé, tout va bien !
Je reste ainsi pendant des années puisque personne (ou presque) ne souffre de la situation.
Les conséquences du silence
Hélas, oui, le silence fait mal. Je me rappelle ces fêtes de Noël où ma compagne n’est pas invitée. Je fais semblant de passer une bonne soirée, on s’offre des cadeaux, mes beaux-frères reçoivent une petite attention de la part de mes parents, mais pour ma compagne, rien. Je fais comme si elle n’existait pas, comme si je n’étais pas affectée par son absence et cette indifférence familiale à son égard. Par lâcheté, j’accepte qu’on ignore que je l’aime, qu’elle est là malgré tout. Je prends comme une normalité le fait que je fasse la fête, celle-ci en particulier, censée rassembler les gens, tandis que ma compagne déguste un petit plateau-repas dans notre appartement.
Par peur d’être rejetée, par crainte de perdre ceux que j’aime malgré leur étroitesse d’esprit, malgré la douleur qu’ils m’infligent, je ne dis rien. Je prends sur moi, je me cache derrière le fait de les respecter, qu’ils ne comprennent rien et que je ne veux pas les blesser.
Le combat
Un jour, les choses changent. Je suis amoureuse d’une autre femme. Elle quitte son mari et c’est le moment de vivre notre histoire d’amour au grand jour. Au fin fond d’un département rural où les familles grandissent ensemble, travaillent ensemble, ma chérie se bat pour moi, pour nous. Forte de l’amour que ses parents et sa famille lui portent, elle m’impose et je suis accueillie avec méfiance, mais bienveillance. Je suis invitée aux repas de famille, je ne veux pas y aller mais ma compagne y tient. Je croise des regards curieux mais jamais je ne lis d’hostilité dans leur comportement envers moi. J’échange, je ris, je partage et bien vite, je fais partie intégrante de sa famille.
Et la mienne ?
Eh bien je décide de me battre et d’affronter à mon tour mes parents. Il est temps qu’ils me reconnaissent et m’acceptent telle que je suis. Tant pis s’ils me rejettent, je prends le risque de les perdre mais je réalise qu’ils me perdront à leur tour. De plus, je suis devenue mère entre temps et je tiens à donner le bon exemple à mon fils, lui inculquer que se battre pour ce qu’on est est important. Alors, au décours d’un séjour chez eux, je me jette à l’eau. Peine perdue ! Ils restent tous les deux campés sur leurs positions, sur leur bêtise, sur leurs préjugés et, sans doute, leur peur et leur peu d’amour pour moi. C’est la conclusion à laquelle je parviens car ils ne manquent pourtant pas d’intelligence. Mon cœur saigne. Qu’est-ce qui les gêne autant ? Qu’est-ce qu’ils n’assument pas ? En quoi le fait que j’aime les femmes leur porte préjudice ?
Je l’ignore, mais je refuse de capituler, pas cette fois. Bien dans mon couple, cela vaut la peine que je ne lâche rien, je décide de couper les ponts avec eux, de ne plus monter en région parisienne pour voir mes parents. Je le leur signifie par un simple appel téléphonique, c’est ma mère au bout du fil qui reçoit mes propos. La nouvelle lui fait mal, je le sais, mais elle ne manifeste rien.
Pour autant, je ne veux pas couper les ponts entre eux et mon fils. Il n’a qu’eux comme aïeuls, je ne veux pas l’en priver. De fait, durant deux ans, quasiment à chaque période de vacances scolaires, mes parents d’un côté et moi de l’autre, nous nous retrouvons à Tours. Sur le parking, en milieu neutre, je leur confie mon fils et nous renouvelons ce processus pour le retour. Ces rencontres courtes sur le parking de la gare ont des allures de famille divorcée, famille morcelée, c’est pathétique et triste, mais c’est ce que nous sommes.
Je dois faire l’impasse sur l’anniversaire d’un de mes oncles à cause de mon père. Il a fait savoir au reste de la famille que si je venais accompagnée, il ne descendrait pas. J’en suis très affectée.
En réaction, je ne viens pas à son propre anniversaire quelques mois plus tard. Cette bataille est épuisante, terrible à vivre mais nécessaire. Je dois tenir le cap malgré la douleur que cette situation me procure. Je dois montrer à mon fils que mes valeurs ne sont pas moindres que celles de mes sœurs, que mon combat est juste. Alors je tiens bon.
Un jour, de colère, j’envoie une lettre à mon père. Merde alors ! Il a oublié que lui aussi il s’est battu à une autre époque pour faire imposer à sa famille l’arrivée d’une jeune femme noire, déjà mère de surcroît. Je m’en vais le lui rappeler ! Je lui demande comment il aurait réagi si les membres de sa famille lui avaient répondu : "Nous ne te renierons jamais, mais ta copine ne franchira jamais les portes de la maison".
Cette question restera en suspens, il est décédé en 2019, emportant avec lui le secret de sa réponse...
Ce passage de ma vie m’a amenée à me demander jusqu’où et à quel prix est-on enfant de ses parents ?
Je n’ai pas la réponse, juste la certitude que chacun doit pouvoir s’épanouir et s’entourer de personnes bienveillantes, famille ou pas.
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Mady D.
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