Je m'appelle Sophie, j'ai 32 ans, et je suis infirmière de profession. Ma passion est la photographie, un moyen d'expression qui m'aide à capturer la beauté du monde qui m'entoure. Aujourd'hui, j'ai décidé de partager mon histoire en tant que lesbienne victime de violences conjugales dans mon couple. J'ai traversé des moments sombres, mais je suis convaincue que mon témoignage peut aider d'autres personnes à sortir de l'ombre et à trouver le courage de briser le silence. La violence conjugale en tant que femme lesbienne est un sujet tabou car on associe davantage les comportements violents aux hommes. Il existe pourtant des femmes qui ont en elles des pulsions mortifères et destructrices.
Dans le récit qui va suivre, je vous raconte mon parcours, comment j'ai rencontré mon ex-compagne, les violences que j'ai subies et les raisons pour lesquelles j'ai gardé le silence pendant si longtemps. Je vous parlerai également des signaux d'alerte que j'ai manqués et des ressources qui m'ont aidé à reprendre ma vie en main. C'est une histoire difficile à raconter, mais je suis fière d'avoir survécu et de pouvoir partager mon expérience avec vous. Mon espoir est qu'en brisant le silence, je puisse contribuer à prévenir d'autres situations de violences conjugales et inspirer d'autres victimes à chercher l'aide dont elles ont besoin pour s'en sortir.
Sommaire
Je me souviens de notre première rencontre. C'était lors d'un vernissage dans une petite galerie d'art. L'atmosphère était électrique, et lorsque nos regards se sont croisés, j'ai immédiatement ressenti une connexion intense. Un premier rendez-vous, un second, et au fil des semaines, notre relation s'est développée. J'ai cru du fond du coeur que j'avais enfin trouvé mon âme sœur. Notre amour semblait si fort et inébranlable que je n'aurais jamais imaginé la tourmente qui m'attendait.
Les premiers mois de notre relation furent comme un rêve éveillé. Nous partagions tout : nos passions, nos rires, nos secrets et nos espoirs. Pourtant, peu à peu, des nuages sombres ont commencé à ternir ce que je pensais être une relation parfaite. Des tensions et des disputes sont apparues, de plus en plus fréquemment, souvent pour des raisons futiles et imprévisibles. Je me sentais constamment sur la défensive, marchant sur des œufs pour ne pas déclencher la colère de mon ex-compagne.
Au début, je me disais que c'était normal, que toutes les relations traversaient des périodes de turbulence. Mais lorsque les premières insultes et humiliations ont fait place à des actes de violence physique, j'ai compris que quelque chose n'allait pas. Chaque coup reçu, chaque larme versée, chaque cri étouffé par la peur dévorait mon âme et me faisait sombrer dans un abîme de désespoir et de honte. Le poids de la souffrance me semblait insupportable, et pourtant, je me sentais prisonnière de cet amour destructeur, incapable de demander de l'aide ou de m'échapper.
Le souvenir de ces jours sombres est encore vivace dans mon esprit. Les émotions qui m'envahissent à chaque fois que je repense à cette période de ma vie sont lourdes et douloureuses, comme si une main glaciale enserrait mon cœur.
Au début, les violences semblaient bénignes et isolées. Cependant, elles ont rapidement pris de l'ampleur, devenant de plus en plus fréquentes et intenses. Les insultes et les humiliations ont laissé place à des agressions verbales et physiques, faisant de mon quotidien un enfer. Les disputes devenaient souvent incontrôlables et dégénéraient rapidement en altercations physiques. Un jour, après avoir égaré les clés de la voiture alors que nous avions un rendez-vous important, ma partenaire m'a violemment giflée, me laissant une marque rouge sur la joue. Une autre fois, parce que je n'avais pas répondu a son dernier message texte, le soir venu elle m'a accusé de la tromper, de ne pas me soucier d'elle et d'être qu'une sale égoïste. De fil en aiguille, elle m'a saisi le bras et serré si fort que j'en ai eu un bleu pendant plusieurs jours.
La violence de nos disputes était souvent déclenchée par des motifs futiles : un plat mal préparé, un vêtement mal lavé ou une réponse jugée impertinente. Je me souviens d'une fois où j'avais oublié d'acheter du lait en faisant les courses ; cela a provoqué une dispute qui a dégénéré en une violente altercation où elle m'a poussée contre le coin du mur avec une telle force que j'ai eu le dos endolori pendant plusieurs semaines.
Plusieurs fois, j'ai été laissée avec des bleus et des marques sur le corps, des traces indélébiles de la souffrance que je subissais. Le pire, c'est que je commençais à croire que je méritais ces violences, que c'était de ma faute.
En parallèle de la violence physique, les abus émotionnels et psychologiques étaient devenus monnaie courante. Ma partenaire me critiquait sans cesse, me rabaissait et me faisait sentir indigne de son amour. Pour compenser, je me suis mise à manger, et à manger beaucoup trop. Sucrerie, chips, chocolat, bonbons... tout ce qui pouvait me remonter le moral finissait dans mon estomac. Résultat, en plus d'attaque sur ma personnalité et mes incompétences diverses, ont suivi des insultes sur mon physique. Elle me répétait que je ne prenais pas soin de moi, que je devenais obèse, que je ne valais rien, que je ne réussirais jamais rien et que personne d'autre ne pourrait jamais m'aimer puisque je me laissais aller. Chaque jour, je me sentais de plus en plus dévalorisée et impuissante face à cette situation.
Pendant des années, j'ai gardé le silence sur les violences psychologiques et physiques que je subissais. Plusieurs raisons m'ont poussée à ne pas en parler à mes proches ou à chercher de l'aide. La honte et la peur étaient les principaux obstacles qui me retenaient. La honte de me montrer faible et vulnérable, de ne pas être capable de me défendre. J'avais peur du jugement des autres, de leur incompréhension et de leur rejet. Je craignais que mon entourage me blâme pour ce que je vivais, pensant que je devais avoir provoqué cette violence d'une manière ou d'une autre. La peur était également un facteur déterminant. J'avais peur des représailles de ma partenaire si je parlais de ce que je vivais. Je redoutais qu'elle devienne encore plus violente ou qu'elle se venge sur moi ou sur mes proches.
Le manque de confiance en moi et l'isolement dans lequel je me trouvais m'ont également empêchée de chercher de l'aide. Ma partenaire avait réussi à m'éloigner de mes amis et de ma famille, à me convaincre que personne ne se souciait de moi ou ne me comprendrait. Finalement, je me suis tue par amour. Je croyais encore que notre relation pouvait s'améliorer, que ma partenaire changerait un jour et que les violences cesseraient. J'étais convaincue que si je faisais preuve de patience et de compréhension, les choses finiraient par s'arranger.
Avec le recul, je me rends compte qu'il y avait de nombreux signaux d'alerte qui auraient dû me mettre la puce à l'oreille quant à la nature abusive de ma relation. Voici quelques-uns des signes que j'ai pu identifier:
En reconnaissant ces signaux d'alerte, j'espère aider d'autres femmes à identifier plus rapidement une relation abusive et toxique afin qu'elles cherchent de l'aide pour s'en sortir.
Après avoir quitté ma partenaire, j'ai dû entreprendre un long et difficile processus de reconstruction. Voici les étapes clés qui m'ont permis de reprendre ma vie en main et de retrouver mon équilibre :
En suivant ces étapes, j'ai réussi à reprendre ma vie en main et à me reconstruire après cette expérience traumatisante. J'ai retrouvé ma confiance en moi et suis désormais prête à vivre de nouvelles relations, entourée de personnes aimantes et respectueuses.
Au cours de ma reconstruction, j'ai découvert l'importance de la communauté lesbienne pour surmonter cette épreuve. Le soutien et la solidarité dont j'ai bénéficié ont été essentiels pour me sentir comprise et accompagnée. J'ai rencontré d'autres femmes lesbiennes qui avaient traversé des situations similaires et qui m'ont apporté leur expérience et leur réconfort. Ensemble, nous avons pu partager nos histoires et nos ressources pour lutter contre les violences conjugales.
La communauté lesbienne joue un rôle primordial dans la prise de conscience de ces violences spécifiques et dans la création d'espaces de soutien et d'entraide pour les victimes. Les associations, les groupes de soutien et les événements dédiés permettent de briser l'isolement et de construire des liens solides pour faire face aux défis que nous rencontrons en tant que femmes lesbiennes.
Vous n'êtes pas seules et vous avez le droit de vivre une vie sans violence, dans le respect et l'amour. Il est possible de sortir de ces situations et de se reconstruire, même si le chemin est long et difficile.
N'hésitez pas à chercher de l'aide auprès de professionnels, de proches ou de la communauté lesbienne. Ensemble, nous sommes plus fortes et capables de surmonter ces épreuves. En partageant nos expériences, nous contribuons à briser le silence et à mettre fin aux violences conjugales.
France :
Fédération Nationale Solidarité Femmes (FNSF) - un réseau d'associations qui offre écoute, soutien et hébergement aux femmes victimes de violences : http://www.solidaritefemmes.org/ Numéro d'urgence: 3919 (numéro d'écoute national et anonyme)
SOS Femmes - une association qui propose des informations et des ressources pour les femmes victimes de violences : http://www.sosfemmes.com/ Numéro d'urgence: 3919 (numéro d'écoute national et anonyme)
CIDFF (Centre d'Information sur les Droits des Femmes et des Familles) - une association qui offre des conseils juridiques, professionnels et psychologiques aux femmes victimes de violences : https://www.infofemmes.com/ Numéro d'urgence: 3919 (numéro d'écoute national et anonyme)
Québec :
SOS violence conjugale - un service d'aide aux victimes de violence conjugale disponible 24/7 : https://www.sosviolenceconjugale.ca/ Numéro d'urgence: 1-800-363-9010 (ligne d'écoute disponible 24h/24)
Fédération des maisons d'hébergement pour femmes - un réseau de maisons d'hébergement pour les femmes victimes de violences conjugales : https://www.fede.qc.ca/ Numéro d'urgence: 1-800-363-9010 (ligne d'écoute disponible 24h/24)
Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale - un réseau de maisons d'hébergement et de soutien pour les femmes victimes de violence conjugale : https://maisons-femmes.qc.ca/ Numéro d'urgence: 1-800-363-9010 (ligne d'écoute disponible 24h/24)
Ces ressources offrent des services d'écoute, de soutien, d'hébergement et d'accompagnement pour les victimes de violence conjugale. N'hésitez pas à les contacter si vous êtes confrontée à une situation de violence ou si vous connaissez quelqu'un qui en est victime.
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