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| Audrey | Actualités lesbiennes

Orientation sexuelle et identité de genre : pourquoi certains LGB contestent l’amalgame avec le T

(Temps de lecture: 4 - 7 minutes)

Orientation sexuelle et identité de genre : pourquoi certains LGB contestent l’amalgame avec le T

Le débat autour de l’inclusion du « T » (pour transgenre) dans l’acronyme LGBT+ fait rage depuis plusieurs années. De plus en plus de voix au sein de la communauté lesbienne, gay et bisexuelle (LGB) expriment leur désir de se dissocier du « T », estimant que la transidentité relève de l’identité de genre et non de l’orientation sexuelle. Ce positionnement, souvent désigné sous l’expression « LGB Drop the T », soulève des questions profondes sur la cohérence politique du mouvement arc-en-ciel, la hiérarchisation des luttes et la définition même des catégories utilisées dans l’espace public. Dans cet article, nous analysons les raisons de cette contestation, en nous appuyant sur des éléments factuels, historiques et juridiques, ainsi que sur des points de vue contradictoires.

Sommaire

Qu’est-ce que le transgenrisme et pourquoi n’est-il pas une sexualité ?

Le transgenrisme, également appelé transidentité, désigne la situation d’une personne dont l’identité de genre ne correspond pas au sexe qui lui a été assigné à la naissance. Il s’agit d’une dimension identitaire, façonnée par des facteurs psychologiques, sociaux et parfois médicaux, notamment dans le cadre de transitions hormonales ou chirurgicales.

À l’inverse, l’orientation sexuelle – qui concerne l’attirance romantique ou sexuelle envers d’autres personnes (homosexualité, bisexualité, hétérosexualité) – ne dit rien de l’identité de genre d’un individu. Elle décrit uniquement vers qui s’exerce le désir ou l’attachement.

Cette distinction conceptuelle est centrale pour les partisans du « LGB sans T ». Selon eux, l’amalgame entre identité de genre et orientation sexuelle entretient une confusion qui fragilise la lisibilité des revendications spécifiques aux LGB. Historiquement, ces luttes se sont articulées autour de la dépénalisation de l’homosexualité, de l’égalité des droits civils, du mariage pour tous et de la lutte contre l’homophobie. À l’inverse, les revendications liées aux personnes trans portent principalement sur la reconnaissance juridique du genre, l’état civil, l’accès aux soins et la protection contre les discriminations fondées sur l’identité de genre.

Sur le plan juridique, cette distinction est également reconnue dans de nombreux systèmes légaux, où les textes relatifs à l’orientation sexuelle et ceux concernant l’identité de genre relèvent de cadres normatifs distincts. Pour certains militants LGB, l’effacement de cette différence nuit à la compréhension des enjeux propres à chaque groupe.

Les origines du mouvement « LGB Drop the T »

Le mouvement « LGB Drop the T » apparaît au milieu des années 2010, principalement au Royaume-Uni, avec la création de groupes comme LGB Alliance. Fondée en 2019, cette organisation affirme que les intérêts politiques et juridiques des personnes lesbiennes, gays et bisexuelles ne coïncident pas nécessairement avec ceux liés à l’identité de genre.

Parmi les arguments avancés :

  • Conflits autour des espaces fondés sur le sexe biologique : certaines lesbiennes et gays expriment des inquiétudes concernant l’accès des personnes trans aux espaces non mixtes, tels que les vestiaires, prisons ou événements communautaires, estimant que cela peut invisibiliser des expériences directement liées au sexe.
  • Priorités politiques divergentes : les revendications trans impliquent des débats complexes sur le genre, l’autodétermination et la médecine, que certains LGB jugent susceptibles de provoquer un retour de bâton politique mettant en péril des droits acquis.
  • Rejet de l’idéologie queer et de l’extension de l’acronyme : pour une partie des militants LGB, l’ajout constant de nouvelles catégories brouille les objectifs initiaux du mouvement fondé sur l’orientation sexuelle.

En septembre 2025, une organisation internationale regroupant des associations de 18 pays a officialisé son repositionnement sous le nom de LGB International, actant l’abandon du « T » afin de recentrer son action sur les droits liés à l’orientation sexuelle.

Critiques et contre-arguments : une division jugée transphobe ?

Cette prise de distance suscite de vives critiques. De nombreuses organisations LGBTQ+ dénoncent une démarche transphobe, estimant qu’elle fragilise une alliance historiquement construite, notamment lors des émeutes de Stonewall en 1969, souvent présentées comme un moment fondateur du militantisme LGBT moderne.

Des figures historiques comme Marsha P. Johnson sont régulièrement évoquées pour rappeler la participation de personnes trans ou gender non-conforming aux premières luttes.

Les opposants estiment qu’une séparation formelle rendrait les personnes trans plus vulnérables, dans un contexte marqué par une multiplication de lois restrictives, notamment aux États-Unis, concernant l’accès aux soins ou la reconnaissance légale du genre.

Des organisations comme la Human Rights Campaign soutiennent qu’il n’a jamais existé de communauté « LGB sans T » et que cette rhétorique serait exploitée par des forces politiques conservatrices cherchant à affaiblir l’ensemble des droits LGBT.

La philosophe britannique Kathleen Stock observe toutefois que le mouvement LGBT traverse une phase de fragmentation idéologique croissante, notamment autour des notions de sexe, de genre, de sexualité et de définition des identités.

Conséquences pour la communauté arc-en-ciel

Une dissociation institutionnelle entre LGB et T pourrait profondément redessiner le paysage militant. D’un côté, elle offrirait aux lesbiennes, gays et bisexuels la possibilité de recentrer leurs actions sur des enjeux ciblés, tels que la lutte contre les thérapies de conversion, la protection des mineurs ou la visibilité bisexuelle. De l’autre, elle risquerait d’accentuer l’isolement politique des personnes trans, déjà confrontées à une hausse documentée des violences et des discriminations.

Plus largement, ce débat révèle une tension croissante entre logique de coalition et besoin de clarté conceptuelle. Si l’affirmation selon laquelle le transgenrisme n’est pas une sexualité repose sur une base théorique solide, la question demeure de savoir si la séparation des luttes constitue un progrès stratégique ou un affaiblissement collectif face aux oppositions communes.

FAQ : comprendre le débat entre orientation sexuelle et identité de genre

Le transgenrisme est-il une orientation sexuelle ?

Non. Le transgenrisme relève de l’identité de genre, c’est-à-dire de la manière dont une personne se définit par rapport au sexe qui lui a été assigné à la naissance. L’orientation sexuelle concerne l’attirance romantique ou sexuelle envers autrui. Ces deux dimensions sont distinctes, bien qu’elles soient souvent associées dans les débats militants contemporains.

Quelle est la différence entre identité de genre et orientation sexuelle ?

L’identité de genre renvoie au rapport intime qu’une personne entretient avec son genre, tandis que l’orientation sexuelle décrit vers qui s’exerce son désir ou son attachement affectif. Les confondre revient à mélanger des réalités différentes, aux implications sociales, juridiques et politiques distinctes.

Pourquoi certains lesbiennes, gays et bisexuels refusent-ils l’acronyme LGBTQ+ ?

Certains LGB estiment que l’élargissement continu de l’acronyme rend moins lisibles les luttes liées à l’orientation sexuelle. Ils considèrent que les revendications fondées sur l’identité de genre relèvent d’un autre cadre politique et juridique, et que cet amalgame brouille les combats historiques menés contre l’homophobie.

Le mouvement « LGB sans T » est-il nécessairement transphobe ?

Ses détracteurs le qualifient souvent de transphobe, tandis que ses partisans parlent de clarification conceptuelle et stratégique. Le désaccord porte moins sur l’existence ou la dignité des personnes trans que sur l’organisation des luttes, les priorités militantes et la définition des catégories mobilisées dans l’espace public.

Que pensez-vous de ce débat ? Vos analyses et arguments peuvent contribuer à enrichir la réflexion collective.

Mise à jour : 24 décembre 2025

Audrey

homoromance-gif Orientation sexuelle, transidentité : comprendre la fracture LGB/T




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