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| Jennifer Ch. | Actualités lesbiennes

Excision : pourquoi l’interdire n’est pas raciste mais féministe

(Temps de lecture: 4 - 7 minutes)

Excision : pourquoi l’interdire n’est pas raciste mais féministe

Dans un monde où les droits des femmes sont encore trop souvent relativisés au nom de la culture ou de la diversité, le débat sur l’interdiction de l’excision – ou mutilations génitales féminines (MGF) – ressurgit avec une intensité particulière. En décembre 2025, une tribune signée par vingt-cinq universitaires dans le Journal of Medical Ethics affirme que les campagnes internationales contre les MGF seraient « néfastes et stigmatisantes » pour certaines communautés migrantes, car elles invisibiliseraient la « diversité des pratiques » et utiliseraient un vocabulaire jugé « racialisé et ethnocentrique ». Relayée par des médias comme GB News et commentée en France par des figures médiatiques, cette prise de position pose une question centrale : interdire l’excision est-ce raciste ?

Du point de vue féministe, la réponse est sans ambiguïté : l’excision constitue une violence patriarcale grave, qui traverse les frontières culturelles, religieuses et raciales. La combattre ne relève ni du suprémacisme ni de l’ingérence morale, mais d’un impératif universaliste fondé sur l’autonomie corporelle des femmes et des filles. Refuser cette violence n’est pas exclure : c’est protéger.

Sommaire

Comprendre l’excision comme une violence patriarcale

L’excision désigne toute procédure non médicale impliquant l’ablation partielle ou totale des organes génitaux externes féminins, le plus souvent pratiquée sur des filles mineures, sans consentement. Selon l’Organisation mondiale de la santé, plus de deux cents millions de femmes et de filles dans le monde ont subi ces mutilations, principalement en Afrique subsaharienne, au Moyen-Orient et en Asie, mais aussi au sein de diasporas vivant en Occident. Les conséquences sont lourdes et durables : infections, hémorragies, complications obstétricales, douleurs chroniques et atteintes irréversibles à la sexualité.

Ces pratiques s’inscrivent dans des systèmes patriarcaux visant à contrôler le corps féminin, en particulier la sexualité, perçue comme dangereuse ou devant être maîtrisée. Les réduire à de simples traditions culturelles revient à occulter leur fonction réelle : maintenir l’ordre social par la contrainte exercée sur les femmes.

Comme l’a analysé l’activiste somalienne Ayaan Hirsi Ali, l’excision repose sur l’idée que le corps des femmes appartient à la communauté plutôt qu’à elles-mêmes. En France, où cette pratique est interdite depuis 1983, des associations estiment que des dizaines de milliers de femmes excisées vivent sur le territoire. Les ignorer au nom de la diversité culturelle reviendrait à accepter que certaines vies féminines valent moins que d’autres.

Accusations de racisme et relativisme culturel

Les critiques contemporaines de l’interdiction de l’excision reposent souvent sur un argument central : ces lois seraient racistes car elles concerneraient majoritairement des populations non blanches. La tribune du Journal of Medical Ethics appelle ainsi à des politiques « équilibrées » et remet en cause le terme même de « mutilation », jugé trop normatif. Ce raisonnement s’inscrit dans une tradition postcoloniale qui voit dans les campagnes anti-MGF une forme d’universalisme occidental imposé.

Cet argument trouve un écho dans certains débats européens et britanniques, où toute critique des MGF est parfois assimilée à une stigmatisation des populations migrantes. Pourtant, ce glissement rhétorique pose un problème majeur : il déplace la focale du préjudice subi par les femmes vers le ressenti supposé des communautés, reléguant les victimes au second plan.

Pourquoi certaines violences seraient-elles négociables au nom de la culture, alors que d’autres – comme l’esclavage ou les violences conjugales – font l’objet d’une condamnation universelle ? Raisonner ainsi revient à essentialiser les femmes concernées, en supposant qu’elles seraient indissociables de pratiques qui les mutilent. Cette posture, sous couvert d’anti-racisme, reconduit une forme de paternalisme.

Le féminisme universaliste face au relativisme

Le féminisme universaliste s’oppose frontalement à cette logique. Interdire l’excision n’est pas raciste : c’est affirmer que l’intégrité corporelle n’est pas négociable. Des militantes issues des pays concernés, comme Waris Dirie, ont dénoncé ces pratiques au péril de leur sécurité, rappelant que la contestation ne vient pas uniquement de l’Occident, mais aussi de l’intérieur des sociétés concernées.

Certaines recherches proposent d’améliorer les stratégies de prévention en intégrant davantage les acteurs locaux, sans jamais remettre en cause l’interdiction elle-même. Cette approche ne nie pas les contextes culturels, mais refuse qu’ils servent de justification à la violence.

En Europe, plusieurs conférences et travaux rappellent que la question centrale n’est pas celle de la culture, mais celle du consentement et de la protection des mineures. Réduire l’excision à une préférence culturelle relève d’un aveuglement moral qui sacrifie les femmes sur l’autel de la prudence politique.

Des victoires féministes à l’échelle mondiale

Des évolutions positives montrent pourtant que l’interdiction n’est ni raciste ni vaine. Dans plusieurs pays africains, des communautés ont abandonné l’excision grâce à des initiatives locales appuyées par des cadres juridiques clairs. Ces changements démontrent que la transformation est possible lorsque les lois soutiennent les luttes féministes, au lieu de les neutraliser.

Aux États-Unis et en Europe, les lois anti-MGF ont parfois été accusées de viser certaines populations, alors qu’elles protègent avant tout des femmes vulnérables. Défendre ces dispositifs revient à affirmer que la lutte contre les violences sexistes ne connaît pas de hiérarchie géographique ou ethnique.

Quand l’anti-racisme trahit les femmes

En assimilant toute critique de l’excision à du racisme, certains discours finissent par rendre ces violences intouchables. Cette posture empêche toute dénonciation et contribue à maintenir un patriarcat dissimulé derrière le langage de la tolérance. Protéger les filles ne devrait jamais être perçu comme une transgression idéologique.

Conclusion : un féminisme sans concessions

Interdire l’excision n’est pas raciste. C’est un socle du féminisme universaliste. Face à des millions de victimes, l’autonomie corporelle des femmes doit primer sur toute forme de relativisme culturel. Les droits des femmes ne souffrent aucune exception. Les défendre partout, pour toutes, demeure une exigence politique et morale fondamentale.

Le débat en vidéo

 

Interdire l’excision : questions fréquentes

Interdire l’excision est-il raciste ?

Non. Interdire l’excision vise à protéger les femmes et les filles contre une violence grave, indépendamment de leur origine ou de leur culture. Défendre l’intégrité corporelle n’est pas un acte raciste, mais un principe fondamental des droits humains.

Pourquoi parle-t-on de relativisme culturel à propos de l’excision ?

Le relativisme culturel consiste à justifier certaines violences au nom des traditions ou du contexte social. Dans le cas de l’excision, cette approche tend à minimiser une oppression patriarcale en la présentant comme une pratique culturelle à respecter.

L’excision est-elle une tradition ou une violence ?

L’excision est une violence sexiste reconnue par les instances internationales de santé. La qualifier de tradition occulte ses conséquences physiques et psychologiques et invisibilise les femmes qui la subissent sans consentement.

Existe-t-il des féministes issues des pays concernés opposées à l’excision ?

Oui. De nombreuses militantes, chercheuses et survivantes originaires des pays où l’excision est pratiquée dénoncent cette violence et luttent pour son abolition, souvent au péril de leur sécurité.

Peut-on lutter contre l’excision sans stigmatiser des communautés ?

Oui. La lutte contre l’excision peut s’appuyer sur l’éducation, le droit et des initiatives locales, sans essentialiser des populations. Nommer une violence ne revient pas à stigmatiser une culture, mais à défendre les victimes.

Pourquoi le féminisme universaliste rejette-t-il toute exception culturelle ?

Parce que les droits fondamentaux des femmes ne dépendent ni du lieu de naissance ni des traditions. Accepter des exceptions culturelles revient à hiérarchiser les vies féminines et à normaliser certaines violences.

Mise à jour : 24 décembre 2025

Jennifer Ch.

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