Réflexions sur les cases et les identités multiples dans un monde binaire
Comme beaucoup de personnes, j’ai toujours su, senti que je n'étais pas dans le bon corps. J'ai toujours pensé que mon âme s'était plantée de destination.. Sûrement un rapport avec mon sens de l'orientation plutôt limité dans le monde matériel. Ajoutez à cela a un peu d’anxiété, des tendances à la solitude, à l’isolement, à une pointe de curiosité… La « psychologie moderne » appelle ça "trouble du spectre de l'autisme", "syndrome d'asperger", "Haut potentiel".. en bref, les psys s'en sont donnés à coeur joie pour me qualifier de tous les termes à la mode qui font la joie ou le désespoir des parents dont les enfants sont soient trop turbulents à l'école, soient des cancres. J’étais les deux, mais à l’époque, ces termes n’existaient pas et ma pauvre maman devait donc assumer que sa fille n’aurait aucun avenir.
Mais au 21e siècle, ces « troubles » dits neuro-atypiques génèrent beaucoup de capitaux et ajoutent des cases aux gens qui ont besoin de s’y enfermer telle une bulle de protection. Handicaps ou superpouvoirs, chacun voit midi à sa porte et les neuro-atypiques pullulent sur les réseaux comme des poux dans une école maternelle. Ce qui semblait toucher 1 à 2% de la population il y a encore 5 ans semble concerner beaucoup plus de gens que les chiffres le laissent penser.
Soit vous êtes typique (comprenez « normal ») soit vous êtes « atypique » (comprenez « différent »).
Tout le monde veut être normal, mais personne ne veut être un mouton. Tout le monde a envie d’être différent, dans le sens « original », « à part », « unique » et surtout « remarquable ». (Intrinsèquement, tout le monde l’est à sa manière, ne serait-ce que par la génétique, mais rares sont ceux qui en ont conscience dans une société où notre nombre exponentiel nous efface.).
La multiplication des cases
C’est là qu’interviennent les cases. Les gens ne veulent plus seulement être des hommes ou des femmes, ils veulent qu’on les considère par leurs caractéristiques et plus il y a de caractéristiques, plus il y a de différences et donc plus on se sent "original", "unique" afin d'exister dans ce monde où la quantité efface nos visages.
Je critique donc ce que je suis… du moins, j’y réfléchis. Je suis une femme qui rentre dans des cases et qui s’y sent de moins en moins confortable.
Je suis une femme, lesbienne, fille d’immigrés, autiste, HP, expatriée, européenne.
HOP, 7 cases.
Passons aux cases subsidiaires : Je suis blanche, cisgenre, dyslexique, TDAH, issue de la génération Y (Enfant des « boomers »)
HOP, 5 cases de plus.
Bienvenue dans l’ère des nouveaux courants identitaires. Une horreur n’est-ce pas ?
C’est toute la problématique de la société égotique dans laquelle nous évoluons. Je suis à la fois ce à quoi je ressemble et ce que je ressens, donc « mes particularités physiques et psychologiques » s'additionnent à outrance.
Là où une majorité observe une évolution de la société, appelant cela « le progrès », je vois une régression de la conscience collective qui s’efface au profit de la surconscience individuelle : « Je suis, peu importe les autres » et donc « je veux, peu importe les moyens et les conséquences » pour satisfaire mon ego à tout prix et quoi qu’il en coûte.
Prendre un peu de hauteur
Je me demande si cette lente dérive de la société vers l’individualisme outrancier est en corrélation avec la popularité des réseaux sociaux, premiers vecteurs du « Je, moi, personnellement, je détiens la vérité et le reste du monde ne me comprend pas moi, avec mes sensibilités, mes particularités uniques (main sur le front) qui font de moi un être extraordinaire, mais incompris qui mérite bien plus que cet anonymat qui me ronge (musique dramatique en fond sonore)...».
Pourtant, ce qui compte n'est pas cette définition égotique qui me permet de définir ce que je possède ou ne possède pas, aussi bien en terme matériel que psychologique... ce qui compte c'est ce que je suis à l’intérieur.
Ce n'est ni mon sexe, ni mes particularités psychologiques qui me définissent en tant qu'humain, mais mes actes, mon rapport aux autres, les bienfaits ou méfaits que j’exercerai tout au long de ma vie, l’amour que je reçois, que je donne aux autres, et aussi à moi-même. Car au final, quand on se retrouve sur notre lit de mort, ce n'est ni notre sexualité, notre couleur de peau, notre intelligence ou notre dyslexie qui nous suivra… (si on croit en l’immortalité de l’esprit), mais nos réussites, nos échecs, nos joies, nos regrets, nos amours...
Nous sommes des êtres spirituels dans une expérience matérielle et non des êtres matériels dans une expérience spirituelle. Personne n'en a vraiment conscience parce que notre société (occidentale et donc consumériste) nous formate dès notre naissance à la consommation. Je veux = je suis frustré si je n'ai pas = j’achète pour ne plus être frustré. En clair : je consomme donc je suis, et ce que je consomme va dépendre de mes particularités et de l'image que je veux donner de moi aux autres pour "exister" et être unique, remarquable, etc...
Voilà pourquoi il faut se concentrer sur « l'être » et non sur « l'avoir ». Et les cases donnent le sentiment « d’être », mais nous trompent en nous éloignant de l’expérience sociale et des autres qui sont « différents » de nous et donc nous haïssent pour ces différences.
Ce qui nous définit, c'est ce que nous faisons... pour les autres, pour les gens que nous aimons, pour nos animaux, pour la nature, le positif qu'on amène à toute forme de vie auxquelles nous devons le respect, car tout est lié.
Ce qui nous définit c'est notre intuition, notre instinct, nos émotions et l'amour qu'on peut offrir…
Je suis sortie avec autant de garçons que de filles, des féminins, des masculins, des féminines, des masculines… pourtant je ne suis pas hétéro, je ne suis pas bi, je ne suis pas lesbienne, selon les définitions qui existent. Je ne rentre dans aucune case au même titre qu'on peut m'appeler madame ou monsieur selon les tenues de mes humeurs et je n'en serai ni choquée ni froissée, mais amusée, car le monde où nous sommes est binaire et aucune magie ne pourra faire évoluer cette vision collective en un battement d’ailes. Mais le battement d'ailes, c'est le temps qu’il nous reste à vivre à l'échelle de l'univers. Alors pourquoi tant nous soucier du matériel et de ces cases ?
Je suis amusée par la façon dont le monde s'est modelé sur le système binaire et la pensée binaire, amusée aussi de voir que des gens se battent pour dé-binariser la vie alors que le binaire fait partie intégrante du cosmos. Enormément de composantes de la vie sont binaires, même s'il y a des exceptions, des nuances et des zones de gris. Le + et -, le jour et la nuit, le 0 et le 1, le mâle et la femelle, la mort et la vie, le bien et le mal... S'il y a des entre-deux, comme les pôles neutres, l'aube, le crépuscule, les hermaphrodites, etc... force est de constater que la binarité est plus courante dans toutes les sphères de ce que nous nommons "la vie", "la science", "le cosmos"...
Ces exceptions, nous en avons fait des cases, et ces cases sont malheureusement si petites que tous ceux qui veulent s'y insérer n'ont soit pas de place, soit en désirent plus car sans case, certains ne peuvent pas exister. Mais je conçois l'importance d'inventer des cases pour inventer des mots pour défendre des droits et imposer des lois contre la discrimination.
Le fait est que n'aime pas les cases, les "boîtes", mais je respecte celles et ceux qui ont besoin de se mettre dedans. Parce qu'entendons-nous bien : sortir du placard pour entrer dans une boîte : Est-ce triste ou amusant ? Certains s'y sentent sûrement en sécurité et cela aussi je le comprends.
En réalité, ce qui me dérange dans les cases c'est qu'elles nous identifient et parfois nous séparent plus qu'elles ne nous rapprochent.
Car même dans la non-binarité, dans l’exception, se créait un mode binaire de la pensée. Les uns rejetant les autres, différents ou identiques, car jugés sur ce qu'ils ont (entre les jambes) et non sur ce qu'ils sont, ressentent, font pour les autres.
Sexe, couleur de peau, identité culturelle ou cultuelle, tant de carcans et sous carcans, tant de division pour un seul but : l'existence de l'individu reconnut pour ce qu'il est "matériellement" alors qu'au final nous avons tous à l'intérieur le même sang, le même ADN et très souvent le même amour à donner et autant d'amour a recevoir.
S'il vous plaît, sortez de vos cases. Elles sont si étroites et le monde, à la fois binaire et multiple a encore tant à offrir...
Rendez-vous bientôt pour mon article sur la trinité du genre.
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Kyrian Malone
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