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Quand désir de maternité rime avec parcours du combattant

(Temps de lecture: 4 - 7 minutes)
Quand désir de maternité rime avec parcours du combattant
Photo : Jean-François Monier / AFP

La maternité lesbienne, voilà un sujet peu abordé qui rime avec "parcours du combattant". Découvrez tout de suite le sommaire du nouveau billet témoignage spécial maman signé Alexia Damyl.

Sommaire

De la genèse du projet

Voilà, vous l’avez enfin trouvée la perle rare avec qui le mot construire prend tout son sens. Après quelques semaines, mois ou années à savourer la vie à deux, pourquoi ne pas l’envisager à trois ?

L’idée n’est pas d’encourager la démarche, ni même de se positionner sur la question. L’entreprise est bien trop personnelle, intrinsèquement liée à notre propre histoire pour que le choix de faire ou de ne pas faire un enfant soit considéré comme une « bonne » ou une « mauvaise » chose. Dans le monde actuel faire un enfant est-il un acte engagé ou, au contraire, une folie ? Nul ne peut prétendre pouvoir répondre à cette question.

Pour autant, le 2 août 2021, en France, la promulgation de la loi bioéthique a ouvert la PMA (procréation médicalement assistée) à toutes les femmes et force est de constater que la perspective en a séduit plus d’une. Un an plus tard, ce sont plus de 12000 projets de PMA qui ont été recensés dans l’Hexagone, dont la moitié concernent des couples de femmes.

À la dure réalité

Et si, nous aussi en tant que LGBT+, nous voyions notre ventre s’arrondir ? Le rêve semble beau, surtout depuis l’épisode de L Word où Helena fait l’amour à une Tina enceinte jusqu’aux yeux et nous explique à quel point c’est le pied. Fantasme non partagé ? Oups.

Bref, la réalité s’avère bien moins séduisante que le catalogue plein de sourires ultra bright d’une célèbre banque de sperme Danoise pour ne pas la citer.

Google est immédiatement appelé au secours. « Centre de PMA ». Rechercher à proximité. Maps s’ouvre avec quelques adresses, numéros de téléphone, et publicités fleuries qui n’ont aucun rapport avec la recherche initiale.

Avec une excitation certaine, vous prenez le temps de choisir l’hôpital ou la clinique qui aura votre préférence. Vous cherchez peut-être de l’aide sur des forums, des avis auprès des deux principales associations prêtes à vous tendre les bras : l’APGL ou les Enfants d’Arc-en-Ciel. Et puis, après vous être mises d’accord, la gorge nouée, vous composez le numéro de la structure choisie.

Les bips de la sonnerie n’en finissent pas. Vous vous souriez niaisement en les entendant retentir en mode haut-parleur. L’excitation monte. Peut-être même sentez-vous une goutte de sueur perler au creux de votre aisselle, mais la vie n’est pas une publicité pour Kiss Cool, personne ne prendra vos poils ! Vos mains deviennent moites et lorsque la secrétaire médicale décroche enfin, votre allô ressemble à celui de votre neveu en pleine mue.

Chance inouïe, un créneau s’est libéré le lendemain avec l’une des gynécologues. Vous sautez sur l’occasion. Un oui un peu trop aigu confirme votre prise de rendez-vous et vous raccrochez, le cœur sur un nuage. Des hurlements s’ensuivent. Zut, vous aviez bien raccroché ? Vérification faite, c’est bien le cas. Ouf. Vous allez avoir un bébé ! Il n’y a rien de plus beau ni de plus cinglé que vous n’ayez encore fait toutes les deux.

« Mais au fait, on pourra choisir le donneur ? » « Et il y a un CECOS (centre d’étude et de conservation des œufs et du sperme humains) dans cette clinique ? » « Et après ce rendez-vous, ça se passe comment ? » Tellement de question qui fusent, comment tenir jusqu’au lendemain ?

Du premier rendez-vous

Après une nuit sans sommeil, à s’aimer comme si on allait le faire le soir-même cet enfant, le premier entretien arrive enfin ! Rire nerveux en tendant sa carte vitale à la secrétaire, regards complices sur les sièges gelés de la salle d’attente. ELLE arrive comme le messie en blouse blanche et appelle vos deux noms. La sensation est grisante, ce médecin que vous ne connaissez pas encore reconnaît officiellement votre projet de couple.

Au fur et à mesure de l’entretien et de la déclinaison de vos antécédents médicaux, l’atmosphère se fait plus détendue. Vous osez poser les questions que vous avez notées depuis la veille et sa bienveillance vous rassure. Ensuite, vient la fin de la consultation. Elle vous prescrit un comptage des follicules entre le second et le cinquième jour de votre prochain cycle, une prise de sang longue comme le bras et une hystérosalpingographie. À vos souhaits. Et rien qu’avec toutes ces lettres, on sait que l’examen ne sera pas une partie de plaisir.

Mesdames, vous n’avez jamais autant espéré vos prochaines règles !

Entre temps, vous allez devoir prendre rendez-vous avec le psychologue et le généticien.

Jour 1. Youpi ! Vos entrailles se déchirent mais vous arborez un sourire radieux. À nouveau vous décrochez votre téléphone et composez le numéro de la radiologie gracieusement fourni par le médecin de l’équipe de PMA. Mais ô stupeur (et tremblements [référence à Amélie Nothomb]), le centre de radiologie est en incapacité de vous recevoir les jours voulus, d’ailleurs le prochain rendez-vous que l’on vous propose est pour dans trois mois. Mais comme vos cycles sont aussi réguliers que la haie de votre voisin, autant jouer à pile ou face pour déterminer LA date qui collera. Ô rage ! Ô désespoir ! […] « N’ai-je donc tant  vécu que pour cette infamie ? » et là, la secrétaire médicale vous raccroche au nez, les vers, pas de bon matin. On peut poétiser, mais pas avec tout le monde.

Branle-bas le combat, vous réussissez tant bien que mal à viser deux ou trois créneaux pour le mois prochain avec un centre de radiologie de la pampa voisine et n’avez plus qu’à espérer que vos résultats biologiques, radiologiques et que votre psyché seront jugés à la hauteur de vos espérances.

À la conception

Youpi ! Comme dans Mario, vous avez réussi tous les niveaux et arrivez face au boss final. Les longs mois de péripéties médicales n’ont pas entamé votre motivation à mettre un nouvel être au monde. Selon votre âge et votre santé, vous vous apprêtez à vivre l’expérience de l’insémination artificielle avec donneur, anonyme ou pas (toujours la même loi du 2 août 2021 a permis une levée partielle de l’anonymat des donneurs), ou de la fécondation in vitro. Les deux méthodes présentent leurs avantages et inconvénients, et pour avoir expérimenté les deux, aucune n’est insurmontable.

Alors si vous en êtes ici ou ailleurs de votre parcours, je ne peux que vous souhaiter de vivre cet état de grâce (de grasse aussi et parfois nauséeux) que décrit si bien Deghelt : « Je t’ai dans la peau, ta maison se soulève au rythme de tes glissements. Tu frôles les parois de ton aquarium amniotique. La vitre est opaque… Je te contemple dans la glace. Ce n’est pas moi que je regarde, c’est l’énormité de ta présence. »