Pourquoi y a-t-il autant de filles lesbiennes ou bisexuelles ?
Aujourd’hui, les filles ont trois fois plus de chances que les garçons de ne pas être hétérosexuelles. Pourquoi ?
Vous avez sans doute entendu parler de Constance McMillen. C’est une lycéenne ouvertement homosexuelle qui souhaitait emmener sa petite amie au bal de fin d’année de son lycée, Itawamba High School, dans le nord du Mississippi. Le principal leur a refusé cette possibilité, affirmant que tous les couples devaient être mixtes (un garçon et une fille). McMillen a alors contacté l’ACLU (Union américaine pour les libertés civiles), qui a menacé l’établissement d’une action en justice.
En réponse, le conseil scolaire a purement et simplement annulé le bal. L’ACLU a saisi le juge fédéral Glen Davidson pour qu’il oblige l’école à rétablir l’événement. Le juge a statué que l’école avait bien violé les droits civiques de McMillen, mais qu’il ne pouvait pas les forcer à organiser le bal.
Le vendredi 2 avril, McMillen a assisté à un "bal alternatif" au Fulton County Country Club. Selon l’Associated Press, les parents de sa petite amie de 16 ans lui avaient interdit d’y aller, alors McMillen a accompagné une autre jeune fille.
Mais l’histoire prend une tournure encore plus sordide : le "bal alternatif" n’était qu’une mascarade, réunissant seulement sept adolescents. Le véritable bal, celui où se sont retrouvés la plupart des élèves de terminale, s’est déroulé à un endroit tenu secret, et McMillen n’y a tout simplement pas été invitée.
Cette affaire a attiré l’attention nationale, tant elle semble anachronique. Comment est-il encore possible qu’en 2010, des gens soient choqués de voir deux filles s’embrasser ?
Sommaire
- Un nombre croissant de filles s’identifient comme lesbiennes ou bisexuelles
- Pourquoi est-il socialement acceptable que les filles soient bisexuelles ou homosexuelles, mais pas les garçons ?
- De plus en plus de garçons préadolescents regardent du porno
- Analyse des tendances entre jeunes hommes et jeunes femmes
- Références et données sur la bisexualité et l’homosexualité féminine
Un nombre croissant de filles s’identifient comme lesbiennes ou bisexuelles
Le psychologue John Buss estime que, durant la majeure partie de l’histoire humaine, environ 2 % des femmes étaient lesbiennes ou bisexuelles (voir note 1). Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Des études récentes montrent qu’environ 15 % des adolescentes et des jeunes femmes s’identifient comme lesbiennes ou bisexuelles, contre environ 5 % des jeunes hommes qui se déclarent gays ou bisexuels (voir note 2).
En tant que médecin et psychologue, ce qui me frappe dans toute cette affaire, c’est l’absence de discussion sérieuse sur cette évolution. Pourquoi y a-t-il aujourd’hui trois fois plus de jeunes femmes que de jeunes hommes qui se définissent comme bisexuelles ou homosexuelles ?
"Katy Perry a chanté I kissed a girl and I liked it" (J’ai embrassé une fille et j’ai aimé ça). Megan Fox, Lindsay Lohan, Lady Gaga, Anna Paquin, Angelina Jolie, Drew Barrymore… toutes ont publiquement affirmé être bisexuelles. Pourtant, il n’existe pas d’équivalent masculin, pas de jeunes célébrités masculines revendiquant ouvertement leur bisexualité. Imaginez un jeune chanteur sortant un titre intitulé I kissed a boy and I liked it (J’ai embrassé un garçon et j’ai aimé ça). Ce titre aurait-il atteint la première place des classements ? Probablement pas. Pourquoi ?
Pourquoi est-il socialement acceptable que les filles soient bisexuelles ou homosexuelles, mais pas les garçons ?
Depuis sept ans, j’ai posé cette question à des centaines d’adolescents et de jeunes adultes aux États-Unis. La réponse la plus fréquente que j’obtiens n’est pas vraiment une réponse :
"Les filles s’embrassent entre elles en soirée parce que les garçons aiment ça", m’a confié une adolescente. "Ça les excite, alors les filles le refont. Elles ne le font que pour attirer l’attention. Ce n’est pas sérieux."
Je lui ai alors fait remarquer, aussi délicatement que possible, que cela ne répondait pas à ma question. Faire semblant d’être lesbienne ou bisexuelle n’explique pas pourquoi une proportion croissante de jeunes femmes s’identifie réellement ainsi.
Ou bien… est-ce justement là une partie de la réponse ?
La sexualité féminine fonctionne différemment de la sexualité masculine. Un garçon hétérosexuel qui embrasserait un autre garçon pour faire rire des filles ne modifierait probablement pas son orientation sexuelle pour autant. Mais, comme l’a démontré le professeur Roy Baumeister de l’Université d’État de Floride (voir note 3), l’attirance sexuelle semble plus flexible chez de nombreuses femmes. Si une adolescente embrasse une autre fille, même pour s’amuser, et qu’elle se rend compte qu’elle apprécie cela, alors des changements peuvent s’opérer.
Et si, en plus, elle ne trouve aucun garçon digne d’intérêt, il devient encore plus probable qu’elle développe de nouveaux sentiments.
De plus en plus de garçons préadolescents regardent du porno
Cela m’amène à un autre point que j’ai souvent rencontré lors de mes entretiens avec des jeunes. Il y a vingt ans, lorsque j’ai ouvert mon cabinet en banlieue de Washington DC, il était rare de voir des garçons de 14 ans regarder du porno quotidiennement. Aujourd’hui, c’est devenu courant—et même la norme.
Lorsque je rencontre un groupe d’adolescents de 14 ans et que je leur demande : "Combien d’entre vous êtes abonnés à un site porno ?", toutes les mains se lèvent. Je ne les crois pas forcément, mais aujourd’hui, aucun garçon ne veut être celui qui passe pour le "bizarre" qui ne regarde pas de porno en ligne.
Il y a vingt ans, le porno hardcore était caché dans des magasins réservés aux adultes. Aujourd’hui, n’importe quel adolescent de 14 ans peut y accéder en quelques secondes sur Internet. Certains modèles masculins influents, comme le chanteur John Mayer ou le MVP des World Series 2009 Hideki Matsui, parlent ouvertement de leurs collections de films pornographiques.
Analyse des tendances entre jeunes hommes et jeunes femmes
Existe-t-il un lien entre ces deux tendances—l’augmentation du nombre de jeunes femmes qui s’identifient comme lesbiennes ou bisexuelles et la banalisation du porno chez les jeunes hommes ? Peut-être.
Une jeune femme m’a raconté que, plusieurs années auparavant, son petit ami lui avait suggéré de se raser complètement le pubis pour ressembler davantage aux actrices pornographiques qui constituaient sa principale source d’excitation. Aujourd’hui, elle s’identifie comme bisexuelle.
"C’était un véritable soulagement de pouvoir m’installer sous une couverture avec ma copine, regarder un film et parler de Dieu, de la mort et du vieillissement. D’être intime émotionnellement et spirituellement autant que physiquement. Je ne connais pas un seul mec qui serait capable de comprendre les conversations que nous avons."
Je souhaite tout le bonheur à Constance McMillen et à sa petite amie. Mais une question me trotte en tête : y a-t-il autant de couples filles-filles parce que les garçons sont devenus de mauvais partenaires ?
Références et données sur la bisexualité et l’homosexualité féminine
Note 1 : Quelle était la fréquence de l’orientation bisexuelle et lesbienne chez les femmes par le passé ?
Dans la troisième édition de son manuel Evolutionary Psychology: The New Science of the Mind, le professeur David Buss (Université du Texas / Austin) estime qu’environ 1 à 2 % des femmes ont été lesbiennes ou bisexuelles au fil de l’histoire (chapitre 4.1, p. 137, édition Pearson International, 2009).Il est extrêmement difficile d’estimer avec précision la proportion "réelle" de lesbiennes ou de bisexuelles il y a 50 ou 200 ans. À certaines époques, dans de nombreux pays, l’homosexualité féminine était un crime. Demander à une femme si elle était lesbienne revenait alors à lui demander si elle avait commis une infraction. Même sous garantie d’anonymat, il est probable que ces femmes sous-déclaraient leur orientation réelle.
Cependant, il est indéniable que les comportements homosexuels et bisexuels sont bien plus visibles aujourd’hui que par le passé.
Note 2 : Quelle est la proportion de personnes bisexuelles et homosexuelles aujourd’hui ?
Des chercheurs de l’Université Cornell ont analysé les données de plus de 20 000 jeunes Américains dans 80 communautés différentes aux États-Unis. Résultats :
- 85,1 % des jeunes femmes se déclaraient hétérosexuelles
- 0,5 % n’avaient pas d’identité sexuelle définie
- 14,4 % se considéraient comme bisexuelles ou lesbiennes
Chez les jeunes hommes :
- 94,0 % s’identifiaient comme hétérosexuels
- 0,4 % n’avaient pas d’identité sexuelle définie
- 5,6 % se déclaraient gays ou bisexuels
(Source : Ritch Savin-Williams & Geoffrey L. Ream, "Prevalence and stability of sexual orientation components during adolescence and young adulthood," Archives of Sexual Behavior, vol. 36, pp. 385 - 394, 2007.)
En Europe, ces proportions pourraient être encore plus élevées. Par exemple, en Norvège, plus de 20 % des jeunes femmes se considéraient comme lesbiennes ou bisexuelles (L. Wichstrøm & K. Hegna, Journal of Abnormal Psychology, vol. 112, pp. 144-151, 2003).
En Nouvelle-Zélande, 16,4 % des jeunes femmes s’identifiaient comme lesbiennes ou bisexuelles, contre 5,6 % des hommes se déclarant gays ou bisexuels (N. Dickson et al., Social Science and Medicine, vol. 56, pp. 1607 - 1615, 2003).
Note 3 : Une femme hétérosexuelle est-elle juste une femme qui n’a pas encore rencontré… la bonne femme ?
Le professeur Roy Baumeister a étudié ce qu’il appelle la plasticité érotique. Son article clé : "Gender differences in erotic plasticity: the female sex drive as socially flexible and responsive," Psychological Bulletin, vol. 126, pp. 347 - 374, 2000.
D’après lui et d’autres chercheurs, la sexualité féminine semble plus fluide que la sexualité masculine. La professeure Lisa Diamond a également démontré que de nombreuses femmes ne découvrent leur "véritable" orientation sexuelle que dans la trentaine ou la quarantaine.
Exemples de ses travaux :
-
"Female bisexuality from adolescence to adulthood: results from a 10-year longitudinal study," Developmental Psychology, vol. 44, pp. 5 - 14, 2008.
-
"The evolution of plasticity in female-female desire," Journal of Psychology and Human Sexuality, vol. 18, pp. 245 - 274, 2006.
-
"What does sexual orientation orient? A biobehavioral model distinguishing romantic love and sexual desire," Psychological Review, vol. 110, pp. 173 - 192, 2003.
Source : psychologytoday.com
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Zelda
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