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| Amélie N. | Actualités lesbiennes

Guide lesbien de la dépression saisonnière - ou trouble affectif saisonnier : stratégies pour faire face

(Temps de lecture: 6 - 12 minutes)

Guide lesbien de la dépression saisonnière - ou trouble affectif saisonnier : stratégies pour faire face

La dépression saisonnière appelé aussi trouble affectif saisonnier (TAS) peut être particulièrement difficile pour les lesbiennes, déjà plus exposées à l’isolement. Des spécialistes queer nous expliquent comment y faire face.

Pour certain·es, l’hiver rime avec plaisirs simples : rendez-vous autour d’un café, aventures enneigées, soirées cinéma bien au chaud. Pour d’autres, cette saison s’accompagne d’une fatigue écrasante. Et s’il est normal que les journées plus courtes et le froid influencent l’humeur, cette baisse d’énergie et ce sentiment de tristesse peuvent devenir beaucoup plus profonds chez certaines personnes, au point de dépasser la simple mélancolie hivernale. Si cela vous parle et que vous ressentez de la dépression à la même période chaque année, il est possible que vous souffriez de trouble affectif saisonnier (TAS), une forme de dépression liée aux changements de saison.

Le trouble affectif saisonnier peut être difficile à diagnostiquer, car il se manifeste de manière similaire à la dépression ou à l’anxiété. Les personnes concernées se sentent souvent abattues, apathiques, avec une énergie très basse et une perte d’intérêt pour les activités qu’elles apprécient habituellement. Cette expérience peut être d’autant plus lourde pour les lesbiennes qui subissent déjà des taux plus élevés de dépression, d’anxiété et d’isolement.

Si la lampe de luminothérapie - utilisée spécifiquement pour traiter le trouble affectif saisonnier - est souvent le premier traitement auquel on pense, il existe bien d’autres manières de faire face à cette condition. De gestes simples, comme mieux comprendre comment le TAS se manifeste chez vous, à l’utilisation d’outils comme l’art-thérapie ou l’exercice physique pour vous redonner de l’énergie, différentes approches peuvent vous aider à traverser ces périodes plus sombres et à trouver ce qui fonctionne pour vous.

Sommaire

Définition : qu’est-ce que le trouble affectif saisonnier ?

Le trouble affectif saisonnier désigne une forme de dépression qui survient à la même période chaque année, le plus souvent pendant les mois froids. Pour la majorité des personnes, il se manifeste surtout à l’automne et en hiver, mais d’autres peuvent en ressentir les symptômes au printemps ou en été également.

Symptômes courants du trouble affectif saisonnier (TAS)

  • Se sentir triste et léthargique chaque jour
  • Avoir peu d’énergie
  • Difficulté à se concentrer
  • Changements d’appétit
  • Agitation
  • Anxiété
  • Irritabilité accrue
  • Perturbations du sommeil (hypersomnie ou insomnie)

Le TAS peut se manifester différemment selon la période de l’année. Les personnes touchées à l’automne et en hiver ont tendance à se sentir épuisées et à dormir davantage, tandis que celles qui en souffrent au printemps ou en été présentent souvent des troubles du sommeil, une perte d’appétit, une anxiété accrue et plus d’irritabilité.

En quoi le trouble affectif saisonnier se distingue-t-il de la dépression ou de l’anxiété ?

Les symptômes du TAS peuvent ressembler à ceux de la dépression ou de l’anxiété, mais ils deviennent caractéristiques du TAS lorsqu’ils apparaissent principalement à une saison précise. Une personne souffrant de dépression générale pourrait remarquer que ses symptômes s’aggravent nettement chaque année en octobre ou en mars. Dans ce cas, il est conseillé de consulter un professionnel de la santé mentale pour évoquer la possibilité d’un trouble affectif saisonnier et trouver des stratégies adaptées pour briser ce cycle annuel.

Le trouble affectif saisonnier et la santé mentale lesbienne

Veronica Chin Hing-Michaluk, psychothérapeute queer travaillant avec des patient·es atteint·es de TAS, explique que ce trouble est à la fois courant et sérieux, comparable à une dépression chronique.

« Qu’une personne soit confrontée à une dépression chronique ou saisonnière, l’un de mes objectifs en tant que thérapeute est de normaliser l’éventail des émotions négatives, qui font partie intégrante et saine de l’expérience humaine », explique-t-elle.

Le trouble affectif saisonnier peut être particulièrement difficile pour les lesbiennes, qui ont deux fois plus de risques que leurs pairs hétérosexuels de souffrir d’un trouble psychologique. Elles sont aussi plus susceptibles de se sentir seules ou isolées. Le TAS peut renforcer ce sentiment d’isolement, surtout pendant l’hiver, lorsque les conditions météorologiques limitent les sorties et les interactions sociales.

Quels sont les traitements possibles du trouble affectif saisonnier ?

Il n’existe pas de traitement universel du TAS, mais différentes stratégies peuvent aider à en atténuer les effets. Pour certain·es, faire des promenades quotidiennes avec des ami·es permet de se sentir moins seul·e. Pour d’autres, les lampes de luminothérapie ou les traitements médicamenteux donnent d’excellents résultats. Il n’y a pas de recette parfaite : chaque personne réagit différemment. C’est pourquoi il est important de noter, année après année, ce qui vous aide à traverser la saison et ce qui ne fonctionne pas.

Observer comment le TAS se manifeste chez vous

Anisah Miley, psychothérapeute queer, explique que la première étape pour traiter le trouble affectif saisonnier (TAS) consiste simplement à reconnaître que l’on en souffre et à observer la manière dont il se manifeste chez soi.

« La première chose à faire, c’est de se connecter à la façon dont on vit ce trouble et d’accepter qu’il s’agit d’un schéma récurrent, avant même de chercher quoi faire », explique Miley. « Si vous n’êtes pas à l’écoute de cette part de vous-même, chaque année, vous vous retrouvez de nouveau à terre entre octobre et avril. »

Le simple fait d’observer et de reconnaître l’impact du TAS sur votre vie peut vous aider à mieux le gérer au quotidien. Si vous remarquez que, durant l’hiver, vous vous réveillez avec une sensation de vide ou d’appréhension, commencez par accueillir ces émotions et observez comment elles se manifestent dans votre corps. Si vous ressentez de la fatigue tout au long de la journée, notez-le simplement. Essayez d’explorer vos sensations sans jugement, avec curiosité : que se passe-t-il dans les différentes parties de mon corps ? Comment est-ce que je me sens en ce moment ? Prendre un instant pour vous recentrer peut rendre les symptômes du TAS un peu moins écrasants.

Miley souligne également que la pandémie a accentué les sentiments d’isolement chez beaucoup de personnes. Être seul·e peut amplifier les effets du TAS en hiver, ce qui rend encore plus essentiel de prêter attention à votre état émotionnel. Il est aussi utile de considérer comment vos difficultés psychologiques existantes peuvent interagir avec les symptômes saisonniers. Vous pouvez vivre avec une dépression toute l’année, mais observer les périodes où elle s’aggrave ou anticiper les moments de l’année où les symptômes risquent de s’intensifier peut aider à mieux les appréhender.

Essayer la luminothérapie avec une lampe de TAS

Pour certaines personnes, la luminothérapie s’avère efficace contre la dépression saisonnière. En utilisant une lampe spéciale, appelée lampe de TAS, on peut atténuer l’insomnie, l’anxiété et d’autres symptômes en reproduisant les effets bénéfiques de la lumière naturelle et en influençant positivement la chimie du cerveau.

Ces lampes utilisent généralement une lumière fluorescente blanche, recouverte d’un filtre en plastique pour bloquer les rayons ultraviolets. Comme elles sont jusqu’à vingt fois plus lumineuses qu’une ampoule classique, s’exposer à leur lumière pendant 15 à 30 minutes par jour peut réduire les symptômes de la dépression saisonnière. Leur prix varie généralement entre 40 et 200 dollars, mais il faut savoir que très peu de lampes véritablement efficaces — c’est-à-dire émettant une intensité lumineuse d’au moins 10 000 lux - coûtent moins de 100 dollars. Selon la Mayo Clinic, la plupart des compagnies d’assurance ne couvrent malheureusement pas le coût d’une lampe ou d’un dispositif de luminothérapie.

Pour celles et ceux qui tirent profit des lampes de luminothérapie, Miley recommande de les considérer comme une composante parmi d’autres d’un plan de traitement global, et non comme la seule solution. Si ces lampes peuvent être utiles, il est tout aussi important de chercher à comprendre son rapport à la dépression saisonnière et de cultiver une forme de compassion envers soi-même avant d’entamer un traitement.

« Quelque chose de puissant se produit lorsque vous vous connectez à vos différentes parts — les parts tristes, en colère, dissociées — avec curiosité et bienveillance », explique Miley. « Cela renforce la confiance en soi et le sentiment d’autonomie. Cela peut, à terme, vous donner la capacité d’explorer différentes pistes de guérison. La lampe UV seule ne rend pas quelqu’un mieux. C’est la lampe UV combinée à l’espoir, né du fait de se percevoir comme acteur ou actrice du changement dans sa propre vie, qui peut réellement aider à aller mieux. »

Il est important de souligner que les lampes de luminothérapie ne sont ni la seule approche ni la meilleure pour tout le monde. Certaines recherches indiquent qu’elles peuvent déclencher des épisodes maniaques chez les personnes atteintes de trouble bipolaire. Les personnes diabétiques ou ayant des problèmes de rétine doivent aussi être prudentes, car une utilisation inadaptée pourrait endommager la vue. Si vous avez des doutes quant à la compatibilité d’une lampe de luminothérapie avec votre état de santé, mieux vaut consulter un·e professionnel·le avant de l’utiliser.

Miser sur l’activité physique, la création artistique et même la sexualité

Sortir de chez soi et renouer avec la communauté peut parfois être un excellent moyen de contrer l’isolement que le TAS entraîne. Cela peut passer par la participation à un groupe sportif, des promenades plus fréquentes avec des ami·es, ou toute autre activité sociale. Chin Hing-Michaluk encourage d’ailleurs à faire preuve d’imagination dans la façon de se reconnecter aux autres.

« Parce que je dirige une pratique de sexothérapie inclusive, j’entends beaucoup de récits créatifs sur la manière dont mes patient·es entretiennent leur équilibre mental et gèrent le TAS au sein de leur communauté », explique-t-elle. « Cela peut aller de promenades quotidiennes sur la plage avec leurs chiens à la création de liens lors de séances d’escalade ou d’ateliers artistiques ouverts, en passant par des soirées BDSM entre partenaires, des groupes de broderie ou toute autre activité capable de servir d’ancrage réconfortant. »

Chercher du soutien auprès d’un professionnel de la santé mentale

Parfois, il est nécessaire d’avoir recours à des interventions supplémentaires pour gérer les symptômes du trouble affectif saisonnier (TAS), comme la prise de médicaments ou de suppléments destinés à rééquilibrer la chimie du cerveau. Pour certaines personnes, les antidépresseurs peuvent aider à augmenter les niveaux de sérotonine, un traitement couramment prescrit contre la dépression et l’anxiété. D’autres affirment avoir ressenti des bienfaits en prenant de la vitamine D pour compenser le manque de lumière naturelle durant l’hiver, même si la recherche scientifique reste partagée quant à l’efficacité des suppléments alimentaires pour traiter le TAS.

Si vous trouvez un traitement médicamenteux utile, il est essentiel de l’associer à d’autres formes de soutien qui vous conviennent, comme la thérapie par la parole, les activités en plein air ou les interactions sociales. Puisqu’il n’existe pas de traitement unique contre le TAS, il est important de rester à l’écoute de soi lorsque vous testez différentes stratégies. Dans la mesure du possible, consultez un·e thérapeute ou un·e professionnel·le de la santé mentale en qui vous avez confiance pour vous accompagner dans ce processus.

Chin Hing-Michaluk explique que son approche repose sur un accompagnement personnalisé, car les traitements standardisés, qu’il s’agisse de suppléments ou de médicaments, ne fonctionnent pas pour tout le monde.

« Aujourd’hui, je travaille avec mes patient·es à la création de leur propre équipe de bien-être et de rituels hivernaux personnalisés, qui peuvent inclure des acupuncteur·rices pratiquant des soins affirmant le genre, des nutritionnistes BIPOC ou des prescripteur·rices certifié·es WPATH capables d’évaluer l’intérêt d’un traitement médicamenteux complémentaire », précise-t-elle. « Les antidépresseurs, les promenades et l’écriture ne suffisent pas toujours à atténuer l’intensité du TAS. Il est donc important d’observer vos variations saisonnières et de consulter un·e professionnel·le si vous vous sentez dépassé·e ou isolé·e. »

La seule personne qui puisse réellement savoir ce qui fonctionne pour vous, c’est vous-même. Il peut être difficile de faire régulièrement le point avec soi, mais s’entourer d’une personne de confiance pour le faire rend la démarche beaucoup plus facile. Dressez la liste des personnes vers qui vous pouvez vous tourner si vous vous sentez submergé·e, et n’hésitez jamais à contacter un·e professionnel·le de la santé mentale qualifié·e si vous avez besoin d’un soutien supplémentaire.

Amélie N.

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