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| Audrey | Arts et Culture

"La Bella Estate", un film lesbien italien, le 27 novembre au cinéma

(Temps de lecture: 4 - 7 minutes)

"La Bella Estate", un film lesbien italien, le 27 novembre au cinéma

Synopsis

1938, à Turin. Ginia a quitté le foyer familial avec son frère pour trouver du travail en ville. Elle se révèle particulièrement talentueuse en couture dans l’atelier où elle est employée. Sa rencontre avec Amelia, une jeune femme modèle pour des artistes, bouleverse son existence.

Note d’intention de la réalisatrice

Laura Luchetti

Cesare Pavese, en parlant de son roman La Bella Estate, le décrit comme l’histoire d’« une virginité qui se défend ». Dans le film, cette virginité devient peut-être celle « d’une transformation ». C’est l’histoire du corps de Ginia, qui grandit, désire, veut être vu et aimé. L’histoire de toutes les femmes qui entrent dans l’âge adulte, peu importe l’époque ou le lieu.

Le regard « féminin » et délicat de Pavese sur le monde, sur les désirs, l’amour et les hommes, a été le point de départ de cette adaptation cinématographique. Un saut réalisé avec autant d’amour que de crainte. Le roman de Pavese, écrit il y a près de quatre-vingt-cinq ans, m’a immédiatement touchée dès ma première lecture. Il m’a paru incroyablement universel, profondément moderne.

Ginia, jeune femme en quête d’elle-même, craignant de ne pas être à la hauteur et de ne pas pouvoir explorer sa sexualité, rencontre Amelia, une autre jeune femme qui la conduit dans un monde nouveau, plein de tentations, de faux rêves et de fragilité. Elle l’entraîne dans un univers bohème, libre, audacieux, sans préjugés : celui de l’art et de la représentation.

Car le film est aussi une réflexion sur le désir d’être vu à travers les yeux d’un autre, d’être peint, photographié, immortalisé, et donc d’exister. Ginia poursuit cette illusion dans les années 1930, tout comme une jeune fille d’aujourd’hui qui aspire à voir son image sur les réseaux sociaux, être admirée, validée, pour enfin devenir « quelqu’un ».

Le roman résonne tellement avec notre époque qu’en racontant l’histoire de Ginia, j’ai eu l’opportunité de voir le monde à travers ses yeux, ceux d’une jeune femme, comme tant d’autres, dans ce moment crucial où l’on se découvre, où l’on se confronte à sa sexualité, à la croissance et à la quête de liberté.

Les hommes, cette fois, restent dans l’ombre, pris entre leur rôle de prédateurs et leur propre fragilité, victimes de leur condition. Pavese porte sur eux un regard sévère, mais j’ai voulu atténuer cette dureté tout en restant fidèle à son récit.

Ginia, sous la pression de la société, de son éducation et de son environnement, cède à un homme, car c’est ce que font toutes ses amies. Pourtant, dans la douleur de cette trahison envers elle-même, elle découvre la vérité de ses sentiments et trouve le courage de se libérer.

Seul le personnage du frère, une petite liberté artistique que je me suis permise, apporte la douceur d’un frère moderne, un frère d’aujourd’hui, qui comprend le tourment de sa sœur. Il joue à être un père, mais contrairement aux autres, il ne la juge pas.

L’été de Ginia est l’été de toute jeune femme confrontée à un choix. Le film raconte cet instant décisif et universel où l’on devient adulte, où l’on retient son souffle pour exercer la plus grande des libertés : celle de choisir comment aimer, sans peur.

— Laura Luchetti

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Biographie de la réalisatrice : Laura Luchetti

Réalisatrice et scénariste, Laura Luchetti a travaillé sur des films, des séries télévisées, des courts-métrages d’animation, des documentaires et des pièces de théâtre.

Son premier long-métrage, Febbre da fieno (2010), distribué en Italie par The Walt Disney Company Italia, a été présenté dans de nombreux festivals internationaux. Elle a également réalisé deux courts-métrages d’animation : Bagni (2016), finaliste aux Nastri d’Argento, et Sugarlove (2018), qui a été sélectionné à la Semaine Internationale de la Critique à Venise et récompensé par un Nastro d’Argento.

Son deuxième long-métrage, Fiore Gemello (2018), a été sélectionné à l’Atelier du Festival de Cannes et au Sundance Screenwriters Lab. Il a été projeté dans des festivals prestigieux, tels que Toronto, Londres et Busan.

En 2021, elle réalise la série Nudes, pour laquelle elle a reçu le Prix Maximo. Diffusée sur RaiPlay, la série a atteint plus d’un million de spectateurs dès la première semaine.

Son dernier film, La Bella Estate, a été sélectionné en Piazza Grande au 76e Festival de Locarno. Elle est actuellement en plein tournage de la série Netflix Il Gattopardo et prépare la deuxième saison de Nudes.

Entretien avec la réalisatrice

Entre Pavese et les enjeux de cette adaptation, la réalisation de ce film peut sembler titanesque.

J’ai abordé le roman de Pavese avec un mélange d’amour et de crainte. La force de Pavese réside dans sa capacité à traiter d’un problème universel : celui du choix. À ma quatorzième relecture de ce court roman, j’ai commencé à imaginer ces jeunes vêtus de salopettes et de t-shirts. Grâce à un travail de recherche incroyable sur les costumes d’époque, on pourrait facilement croire qu’ils vivent en 2023.

Ginia est une jeune fille moderne, tiraillée entre le désir, son orientation sexuelle, ce que la société attend d’elle et ce qu’elle veut vraiment. Amelia, quant à elle, est une femme forte, mais elle porte les failles d’un passé que l’on ne connaît pas, mais que l’on devine. Pavese parle de « l’histoire d’une virginité qui se défend », et j’ai voulu explorer l’idée d’une virginité qui se cherche.

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Et puis, il y a les hommes.

Dans le roman, ils sont dépeints de manière brutale, avec la sévérité des années 1930. Dans le film, le personnage de Severino porte mon nom de famille, Luchetti, car c’est mon frère. J’ai adouci ce personnage en en faisant un homme très moderne. J’ai pris l’intuition géniale de Pavese sur la relation entre frère et sœur, et je l’ai approfondie. Severino est le premier à comprendre les tourments de Ginia.

Le corps, au cœur du film.

Dans l’atelier, devant le miroir, dans la maison, c’est le corps qui est central. À cet âge-là, on n’est pas ce que l’on dit, on est là où le corps nous conduit. Celui de Ginia ne peut être contenu, il est trop grand pour le miroir ou la baignoire, qui sont trop petits pour elle. La Bella Estate devient alors un récit sur la représentation, et surtout sur l’envie d’être vu, le désir d’exister à travers le regard des autres. C’est Instagram, c’est TikTok. Je dis souvent à ma fille, et en filigrane à Ginia : « Ton corps est ta dernière arme politique. »

Travailler avec des jeunes acteurs : un défi dans le défi.

Yile incarnait son premier grand rôle, Deva faisait ses débuts à l’écran. Qui mieux qu’un mannequin pour comprendre ce rapport à l’apparence, à la disparition et à l’émotion que cela suscite ? J’avais déjà travaillé avec Nicolas, mais c’était son premier film, et Cosima venait tout juste de sortir de l’Académie. Puis, il y avait Alessandro, Massimo, Anna et Andrea Bosca, qui est mon acteur préféré.

Nous avons organisé un atelier en juillet, suivi de nombreuses répétitions. Il fallait que nous soyons prêts, car les semaines de tournage seraient courtes. Leur complicité a été incroyable et a créé une magie : ils sont devenus un groupe d’amis, unis par ce film que nous aimions tant. Ils m’ont fait confiance, et j’ai essayé de les filmer à leur niveau, sans regard supérieur, sans perspective « d’adulte ».

La bande annonce